« La porte la mieux fermée est celle qu’on peut laisser ouverte » dit le proverbe chinois. Cet aphorisme ennemi des clefs saisit pourtant toute la substance de cet objet. Histoire d'un accessoire de liberté aussi bien que d'emprisonnement.

Clef en fer à l'emblématique de Charles IX, XVIe siècle. Conservée au musée national de la Renaissance à Écouen © RMN-Grand Palais (musée de la Renaissance, château d'Ecouen) / René-Gabriel Ojeda
Clef en fer à l'emblématique de Charles IX, XVIe siècle. Conservée au musée national de la Renaissance à Écouen © RMN-Grand Palais (musée de la Renaissance, château d'Ecouen) / René-Gabriel Ojeda

Les clefs de l'Antiquité

Bien logiquement, pour que l’on puisse égarer ou pester après une clef perdue, il faut qu’il y ait serrure, et pour qu’il y ait serrure, il faut une porte. Or les premières portes furent sans nul doute sommaire et leur nature devait répondre efficacement à leur vocation : empêcher toute bête sauvage et téméraire (qui pouvait être aussi bien un ours qu’un voisin), de passer le pas de la dite porte pour s’emparer de toutes sortes de richesses dont les premières d’entre elles s’incarnaient dans les victuailles jalousement gardées. Nous sommes aux temps préhistoriques et la clef n’est que l’ébauche sommaire de ce qu’elle deviendra bientôt : une simple tige poussée dans le montant fixe d’une porte. Peut-on déjà parler de clef ?

Les Égyptiens développent le système et sont vraisemblablement les premiers à inventer le verrou, il y a 7000 ans. Adeptes de complexités – la pyramide la plus labyrinthique en est un remarquable exemple -, ils ne daignent pas s’essayer à des exercices moins volumineux, toujours avec succès ; ainsi naît le verrou à loquet tombant, élaboré grâce à une cheville mobile. La première serrure est née.

En multipliant les chevilles bloquant le verrou, la serrure se complexifie et, in extenso, complexifient les clefs. Le panneton s’enrichit de râteaux selon la combinaison et les positions des chevilles.

Clef allemande en fer, XVe siècle © MET Museum
Clef allemande en fer, XVe siècle © MET Museum

Les clefs crochets primitives et les clefs à dents dites laconiennes se diffusèrent vers la Grèce antique puis vers le monde Romain et dans la culture celte. Les plus belles étaient gravées ou sculptées comme cette rare clef de temple grec à forme de serpent. Elle provient du temple d’Artémis Héméra à Lusoi (Arcadie) et évoque (au choix) le combat d’Artémis et son frère contre Python ou tout simplement la sinuosité élégante du reptile capable de se faufiler partout, même à travers les serrures ; comme la clef.

Clef de temple gravée à forme de serpent provenant du temple d’Artémis Héméra à Lusoi (Arcadie). © Musée des Beaux-Arts de Boston, US
Clef de temple gravée à forme de serpent provenant du temple d’Artémis Héméra à Lusoi (Arcadie). © Musée des Beaux-Arts de Boston, US

Le chant XXI de l’Odyssée d’Homère est une source d’information dans toutes sortes de domaine, y compris celui de l’histoire du barbecue ou de celle des clefs. Ainsi apprend-on que les clefs antiques n’étaient pas dénuées d’ornement jusqu’à être parfois enrichies de matériaux précieux :

Par le haut de l’escalier, la sage Pénélope descendit de sa chambre. Sa forte main tenait la belle clef de bronze à la courbe savante, à la poignée d’ivoire.

Se diffusant à travers le monde romain et le monde celte, les formes des clefs devinrent de plus en plus ouvragées, preuve de l’intérêt qu’on leur portait. Les superbes clefs lacustres (vers 1000 – 800 av. J.C.), découvertes dans la région du lac près de Zurich, en sont un bel exemple :

Clefs crochet, 1000 – 800 av. J.C, décors d’oiseaux aquatiques stylisés Bronze. Clefs retrouvées sur les sites de Zurich « Alpenquai » et Zurih « Grosser Hafner » © Musée national suisse
Clefs crochet, 1000 – 800 av. J.C, décors d’oiseaux aquatiques stylisés Bronze. Clefs retrouvées sur les sites de Zurich « Alpenquai » et Zurih « Grosser Hafner » © Musée national suisse

Elles sont pour la plupart ornées de motifs stylisés d’oiseaux aquatiques, un motif symbolisant le cycle solaire durant l’âge du bronze et qu’il serait trop fastidieux d’expliquer ici (voir la bibliographie pour plus d’information). À l’instar de la clef du temple d’Artémis, les motifs témoignent du pouvoir apotropaïque accordé à la clef, un pouvoir qui conjure le mauvais sort ou qui aide – on l’espère – à ce que le porteur et propriétaire des clefs vive agréablement, sans connaître les affres douloureuses d’une amputation sans anesthésie ou d’un mariage ce qui, de tout temps, est considéré comme équivalent à une amputation.

Un moyen efficace de se prémunir de tant de malheurs fut adopté par l’Église qui fit des clefs un instrument de pouvoir seulement accordé à Saint Pierre et à ses successeurs papaux, dont on sait fort bien le vœu de chasteté.

Armoiries du Pape Pie II (1405 – 1464) 1550 – 1555 © Bayerische StaatsBibliothek
Armoiries du Pape Pie II (1405 – 1464) 1550 – 1555 © Bayerische StaatsBibliothek

Cela ouvre sur un pan symbolique très important de clef. À vrai dire, cet objet est sans doute bien plus précieux dans l’imaginaire collectif par sa symbolique que par sa qualité proprement mécanique. Car la clef ne sert pas seulement à ouvrir. Dans certains cas, elle peut même ne servir à rien sans que sa valeur s’en trouve amoindrie. Bien au contraire. La clef de Saint Pierre et les clés papales le prouvent bien. Parfaitement fictives (jusqu’à preuve du contraire), elles tiennent pourtant en respect des millions de fidèles à travers le monde.

Il existe pourtant bien un trousseau de clefs ouvrant les portes du Vatican et son gardien, le clavigero en chef, ouvrant chaque jour La Chapelle Sixtine aurait raison de considérer qu'il détient les clefs d'une sorte de Paradis artistique.

Trousseau de clef du clavigero en chef du Vatican, Rome © National Geographic / Alberto Bernasconi, Musei Vaticani

Trousseau de clef du clavigero en chef du Vatican, Rome © National Geographic / Alberto Bernasconi, Musei Vaticani

Les clefs du Paradis

Est-il superflu de rappeler au bon souvenir de mes lecteurs le chapitre 16 versets 18-19 de l’Évangile de Matthieu ? Je ne le crois pas. Or, dans ce passage mémorable, on y désigne l’équivalent du Père Fouras du Paradis :

Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; et la puissance de la Mort ne l’emportera pas sur elle.
 Je te donnerai les clés du royaume des Cieux : tout ce que tu auras lié sur la terre sera lié dans les cieux, et tout ce que tu auras délié sur la terre sera délié dans les cieux.

Par cela, Saint Pierre devient le gardien des clefs des Cieux. Cette charge est enrichit de rien de moins qu’une part du pouvoir divin – ce qui n’est pas rien, convenons-en.

Pietro Perugino (le Pérugin), 1448 - 1523 La remise des clefs à Saint-Pierre. Entre 1481 et 1482
Pietro Perugino (le Pérugin), 1448 - 1523 La remise des clefs à Saint-Pierre. Entre 1481 et 1482

Ces versets sont d’importance dans l’histoire de la chrétienté car, dès lors, ils lient une certaine forme de pouvoir à la possession des clefs d’une église, en l’occurrence ici Saint-Pierre de Rome. Désormais, le taulier est titulaire de la charge parce qu’il possède les clefs, et il possède les clefs parce qu’il est le titulaire de la charge. La répercussion de cette symbolique est capitale.
Les rois de monarchie de droit divin en bénéficieront directement. Une fois sacrés roi ou empereur par le Pape (détenant lui-même son pouvoir de Dieu, fait justifié par la possession des clefs de Saint Pierre), les monarques sont logiquement investi du pouvoir par la volonté de Dieu qui use de son intermédiaire terrestre pour les basses besognes sacramentielles. Ce processus de justification du pouvoir est non seulement subjectif mais à ce point fumeux qu’il permettrait aisément de se passer d’encens pendant l’intégralité de la cérémonie. Pourtant, le poids et la puissance de la religion suffit longtemps à légitimer le pouvoir et à mater ceux dont l’outrecuidance avait l’audace de la plus mince contestation.

Preuve supplémentaire de l’importance capitale des clefs dans la justification du pouvoir, la présence de non pas une mais bien deux clefs sur le blason papal. La première en or est céleste est celle du ciel ; la seconde en argent celle de la terre.

Statue de Saint-Pierre, Vatican Giuseppe de Fabris (1790 - 1860) © Vinoconvistablog.com
Statue de Saint-Pierre, Vatican Giuseppe de Fabris (1790 - 1860) © Vinoconvistablog.com

Ce pouvoir divin incarné par les clefs, comme nombre d’emprunts non avoués de la religion chrétienne, trouve sa source dans des croyances païennes et antiques. Les Chrétiens, adeptes de ce genre de méthodes et capables de s’indigner comme des footballeurs italiens dès le moindre soupçon (justifié) de vol ou de spoliation des croyances polythéistes, ont néanmoins transmis de cette manière de nombreuses symboliques.

Toujours aujourd’hui, ce symbolisme des clefs infuse notre quotidien avec tant de discrétion que nous en avons à peine conscience. Pourtant l’inconscient collectif reconnaît un pouvoir quotidien, permanent et multiple aux clefs. Avoir les clefs, ce n’est pas tant pouvoir enfermer quelqu’un ou quelque chose qu’être dépositaire du pouvoir (d’enfermer ou de libérer) et donc libre d’agir et de penser.

Pourquoi avons-nous tant envie de prendre la clef des champs? Ou de trouver la clef d’un problème ou d’un mystère ? Le lecteur mélomane sait également tout ce qu’il doit aux clefs de sol et de fa, des clefs qui ouvrent à ceux capables de les déchiffrer l’incroyable possibilité de faire jouer une musique à l’esprit, sans pourtant déranger un silence de cathédrale.

Les clefs ouvrent des perspectives, des mondes nouveaux réels ou imaginaires. Pour apprendre et comprendre les langues asiatiques et appréhender leur culture, il faut en connaître les clefs : ces kanji japonais qui trouvent leurs équivalents dans toutes les langues idéogrammatiques d’Asie et rattachent chaque mot à un concept ou à un champ sémantique particulier.

Clef découverte dans la crypte de l’abbatiale carolingienne de Saint-Philbert de Grandlieu, Loire Atlantique. Fabriquée dans un alliage cuivreux, elle est datée entre 800 et 900 ap. J.C. L’anneau reprend clairement les éléments architecturaux du bâtiment.
Clef découverte dans la crypte de l’abbatiale carolingienne de Saint-Philbert de Grandlieu, Loire Atlantique. Fabriquée dans un alliage cuivreux, elle est datée entre 800 et 900 ap. J.C. L’anneau reprend clairement les éléments architecturaux du bâtiment.

Dans une démarche assez similaire mais transposée dans de la matière (du bronze, du fer), les plus belles clefs du Haut Moyen-Âge et de l’époque carolingienne prennent la forme du pouvoir qu’elles incarnent. Les anneaux des clefs sont une représentation schématique de tout ou partie de l’édifice auxquelles elles donnent accès. Le panneton très simple de cette clef suppose pourtant un mécanisme de serrure certainement facile à crocheter. Peu importe : le pouvoir n’est pas dans l’ouverture matérielle mais bien dans l’ouverture symbolique.

Abbatiale Saint Philibert de Grandlieu © Structurae
Abbatiale Saint Philibert de Grandlieu © stphilbert.fr

La culture viking considérait quant à elle les clefs comme des amulettes au pouvoir apotropaïque. Elles étaient portées en pendentif, au poignet ou accrochées à la ceinture comme l’attestent des fouilles effectuées à Haithabu près de Schleswig au Danemark.

Tout comme les élégants oiseaux aquatiques des clefs lacustres, les clefs vikings sont régulièrement ornées d’une « bête rampante » ou de serpents bicéphales, puissants monstres aussi représentés sur les pierres runiques vikings. Si la symbolique de ces deux créatures n’est pas encore clairement circonscrite, ces deux motifs peuvent déjà être associés à une forme de protection.

Clef viking en bronze Probablement Xe siècle © The Swedish History Museum

Toujours dans une démarche prophylactique ou apotropaïque, les clefs gothiques des édifices religieux sont souvent pourvus d’ajours cruciformes ou de formes trilobées. Si ces dernières évoquent sans doute la Trinité et la bienveillante protection qu’elle incarne, les anneaux ajourés de losanges n’ont pas d’autre vocation que celle de la protection contre les forces du Malin.

Clef gothique de portail, XVe siècle Fer forgé © Hans Schell Collection
Clef gothique de portail, XVe siècle Fer forgé © Hans Schell Collection

Cette forme géométrique était considérée comme une forme propre à éloigner les mauvais esprits. Croyance que l’on retrouve dans les tuiles colorées de la cathédrale de Bâle.

Détail du toit de la cathédrale de Bâle, Suisse.
Détail du toit de la cathédrale de Bâle, Suisse.

Tout comme Pénélope tenait fermement une clef au manche d’ivoire, les clefs gothiques s’enrichissent de matériaux précieux en même temps que les forgerons perfectionnent leur art.

Les clefs en métal damasquiné de fils de cuivre, d’or ou d’argent présentent un décor enchâssé dans une surface métallique. La technique est déjà connue en Orient où sont créés de véritables chefs-d'œuvre de bronze, de fer et d'acier.

Clef de la Kaaba au nom du sultan al-Malik al-Nasir Faradj ibn Barquq, début du XVe siècle. Musée du Louvre © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Jean-Gilles Berizzi

Clef de la Kaaba au nom du sultan al-Malik al-Nasir Faradj ibn Barquq début du XVe siècle, Musée du Louvre © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Jean-Gilles Berizzi

Foisonnante, inventive et avide de mouvements gracieux, la Renaissance laisse libre cours à sa fantaisie et donne toute la primauté de sa création à l’anneau de la clef. Le développement spectaculaire des arts ne concerne pas seulement la peinture, la sculpture et l’architecture. De nombreuses techniques sont perfectionnées, raffinées, notamment dans le domaine des arts du feu. Les artisans gagnent en dextérité et leurs œuvres en finesse.

Clef aux sirènes adossées Époque Renaissance © RMN-Grand Palais (musée de la Renaissance, château d'Ecouen) / Stéphane Maréchalle

La technique du découpage de l’acier permet le développement de la sculpture sur métal et ouvre la voie à la création de clefs de maîtrise. Cariatides, griffons et sirènes sont monnaie courante tandis que les chimères adossées sont essentiellement un motif français et italien.

Clef au combat de centaures Époque XVIe siècle © MET Museum

La clef dite vénitienne offre à voir des rosaces extrêmement fouillées, souvent en cuivre rouge.

Clef vénitienne, XVIe siècle © Christie’s
Clef vénitienne, XVIe siècle © Christie’s

Clefs de Maître

À la fin du XVe siècle, apparaissent les clefs de maîtrise. Chefs d’œuvre de virtuosité, elles perdurent jusqu’au début du XVIIIe siècle. Ces clefs sont intimement liées aux corporations des ferronniers et serruriers puisqu’elles attestent du haut degré de maîtrise d’un apprenti. C’est la preuve pour la corporation dont il dépend qu’il est capable, ou non, d’accéder au rang de maître.

Clef de maîtrise Musée d'Écouen, Renaissance © RMN-Grand Palais (musée de la Renaissance, château d'Ecouen) / René-Gabriel Ojéda
Clef de maîtrise Musée d'Écouen, Renaissance © RMN-Grand Palais (musée de la Renaissance, château d'Ecouen) / René-Gabriel Ojéda

Régulièrement, l’anneau prend la forme d’un lanternon très ouvragé sur lequel s’exercent les talents minutieux du ferronnier compagnon. La collection de clefs de maîtrise du  Musée le Secq des Tournelles à Rouen est une visite ou un détour qu’il ne faut pas manquer de faire.

Clef de maîtrise Musée d'Écouen, Renaissance © RMN-Grand Palais (musée de la Renaissance, château d'Ecouen) / Stéphane Maréchalle
Clef de maîtrise Musée d'Écouen, Renaissance © RMN-Grand Palais (musée de la Renaissance, château d'Ecouen) / Stéphane Maréchalle

Enfin, la clef de chambellan permettait l’accès aux appartements privés du roi ou de l’empereur. Souvenir d’une époque où la clef s’imprégnait encore de tous les attributs du pouvoir, le chambellan portait sur lui la clef. Bien en évidence sur son uniforme, cette clef rappelait – sans qu’il ne le soupçonne ! – les clefs des temples que les prêtresses grecques portaient sur l’épaule ou, dans un registre plus monothéiste, celles de Saint Pierre.

Âprement convoitée, la clef de chambellan était, de part sa fonction symbolique, nécessairement luxueuse. Ordinairement dorée à l’or fin, elle portait le chiffre du souverain à qui elle donnait accès, jusque dans ses appartements privés.

Clé de chambellan, aigle et monogramme d’Alexandre III (1881-1894) sur le blason central, corps cannelé enveloppé de feuilles de chêne, dorure reprise au brunissoir © Gazette Drouot
Clé de chambellan, aigle et monogramme d’Alexandre III (1881-1894) sur le blason central, corps cannelé enveloppé de feuilles de chêne, dorure reprise au brunissoir © Gazette Drouot

Lassés des impératifs stylistiques liés au pouvoir politique ou religieux, les ferronniers et serruriers ayant l’âme joueuse et la main habile créèrent une multitude de clefs à double fonction comme la clef pipe ou la clef pistolet qui sont l’objet de l’article dédié aux clefs à système.

Un mot encore sur les clefs anglaises qui, à la fin du XVIIe siècle, eurent le bonheur de combiner finesse, légèreté et solidité. Elles devinrent ainsi l’objet d’un commerce d’exportation important et équipèrent nombre de petits meubles, des secrétaires aux coiffeuses, de telle sorte qu’on les trouve encore communément sur le mobilier ancien ordinaire.

Peut-être n’équipaient-elles pas les portes anglaises à cause de leur petitesse. Peut-être aussi parce qu’il était de coutume sur cette île curieuse d’emporter avec soi les serrures ouvragées et précieuses lorsqu’on quittait un logement pour aller en occuper un autre. Une coutume qui ne réchauffa pas les liens déjà frileux entre la reine Anne (1665 – 1714) et la duchesse de Marlborough (1660 – 1744). Cette dernière quittant sa résidence du palais Saint James emporta à sa suite toutes les luxueuses serrures. Avertie du larcin camouflé sous la tradition, le reine fut – selon les témoignages de l’époque – « much displeased ». Garce de duchesse.

Clef en fer incrusté d'or au chiffre de la reine Marie-Antoinette. 1770 © Musée Le Secq des Tournelles
Clef en fer incrusté d'or au chiffre de la reine Marie-Antoinette. 1770 © Musée Le Secq des Tournelles

Prête-t-on encore attention aux clefs de notre maison, de notre voiture ou de l’antivol d’un vélo ? Assurément non car la plupart des représentantes modernes de l’espèce sont d’une effroyable banalité. Pour y remédier, certains affichent fièrement un porte-clef plus ou moins discret qui n’est pas anodin dans ce qu’il dit de son propriétaire.

Quant aux clefs de voiture, il faut noter la dichotomie entre les clefs au design parfait des voitures de luxe et la médiocrité grossière de celles des voitures moyen et bas de gamme. Le diable est dans les détails.

En revanche, le marché florissant des clefs USB aux formes plus fantaisistes les unes que les autres témoigne bien de l’importance de la clef dans notre quotidien : on l’affiche, on la revendique comme donnant accès à notre personnalité (dans sa forme extérieure) et à notre « for intérieur » (dans les documents qu’elle conserve). À méditer.

  • AMBLARD Émile, Guitard Eugène-Humbert. L’histoire merveilleuse de la clef de saint Hubert. In: Revue d’histoire de la pharmacie, 48e année, n°166, 1960. pp. 369-371
  • BLOMART Alain. Frugifer : une divinité mithriaque léontocéphale décrite par Arnobe. In: Revue de l’histoire des religions, tome 210, n°1, 1993. pp. 5-25
  • BOMBARD Mathilde et ESCOLA Marc, Clés et usages des clés : pour servir à l’histoire et à la théorie d’une pratique de lecture, Littératures classiques 2004/2 (n°54), p. 5-26
  • BRUNNER Jean-Josep, Les Clefs, Éditions Vial, Corlet, 2006
  • Sous la direction de CULOT Maurice, Ouvrez la porte, la serrurerie décorative, AAM Éditions, Bruxelles, 2005
  • DEONNA W. Clef et hache. In: Revue des Études Anciennes. Tome 21, 1919, n°3. pp. 219-222
  • GUIRAUD Hélène, Bagues et anneaux à l’époque romaine en Gaule. In: Gallia, tome 46, 1989. pp. 173-211
  • GUILLIAUD Maximilien, Rudiments de Musique pratique, reduits en deux briefs traictez, le premier contenant les preceptes de la plaine, l’autre de la figurée, Paris, Nicolas du Chemin, 1554 [préface de 1552], 1er traité, chapitre 3 [s.p.]. Fac-simile Minkoff, Genève, 1981
  • HERTEL, Carola. Les clés en musique : signes et métaphores In : Les clefs des textes médiévaux : Pouvoir, savoir et interprétation [en ligne]. Rennes : Presses universitaires de Rennes, 2006
  • LINLAUD Mathieu,Serrures médiévales, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 2014
  • PASTOUREAU Michel, Une histoire symbolique du Moyen-Âge occidental, Éditions du Seuil, Collection Points hitoire, Paris, 2004
  • (Sous la direction de) POMEL Fabienne, Les clefs des textes médiévaux: Pouvoir, savoir et interprétation, Presses Universitaires de Rennes, 2005
  • SCHILLING Robert. Le dieu introducteur. Le dieu des passages. In: Mélanges d’archéologie et d’histoire, tome 72, 1960. pp. 89-13
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