Rapide histoire du traineau du Père Noël et pourquoi il demeure à ce jour le moyen de locomotion le plus angoissant jamais imaginé.

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Traineau Amstellodamois, milieu XVIIIe siècle Pays Bas. Galerie Pellat de Villedon © AnticStore

Les conditions d’emploi de Père Noël sont certes souples 364 jours par an (365 durant les années bissextiles) mais exigent une vélocité remarquable dans la nuit du 24 au 25 décembre. Si un AirForce 1 semblerait mieux indiqué, il se trouve que le traineau du Père Noël reste à ce jour une puissance inégalée. Et mortelle.

Rappelons d’abord pourquoi le Père Noël à emménager au Pôle Nord, loin de tout autoroutes et périphériques. D’abord car les dieux Odhin et Thor y résident, le voisinage est donc de bon goût. Ajoutons que les conditions emblématiques du solstice d’hiver sont le froid, l’obscurité et la mort de la végétation. « Un vestige de mythologie du Nord » comme dit Karin Ueltschi citant Madame de Staël (Histoire véridique du Père Noël, p. 106). Or le pôle nord est suffisamment hostile et difficile d’accès pour en faire le lieu possible de l’entre-monde, en résonance directe avec les caractéristiques du solstice d’hiver susnommées.

Je n’ai aucune idée de la capacité d’un Air Force 1 à atterrir sur la banquise mais, au-delà du fait que c’est loin de respecter les accords de Paris en matière d’environnement, on peut raisonnablement imaginer que le moyen de transport le plus pratique demeure le traineau.

Pour alléger au mieux son bilan carbone, le Père Noël voyage en traineau volant tiré par des rennes. Néanmoins un raisonnement simple impliquant le principe de pesanteur te mènera à une remise en question de la véracité des faits.

© 1stdibs

Traineau baroque en bois peint, XVIIIe siècle.

Si le traineau est parfaitement adapté à la neige, il l’est nettement moins aux terrains caillouteux. Le Père Noël – qui a parfaitement conscience que les SUV sont bien plus polluants qu’ils sont utiles en ville – a donc préféré à l’automobile des rennes volants (le Père Noël se drogue). Or le renne est un cervidé qui depuis l’Antiquité (au moins), porte une forte symbolique de renaissance car ses bois tombent puis repoussent toujours plus grands et plus imposants.

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Traineau "au patineur". Caisse en bois à décor peint et garni de soie vert-jaune. Vers 1720. © Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon

Aussi étonnant que cela puisse paraître, le traineau s’apparente quant à lui aux chariots des croque-morts qui transportent les défunts vers leur dernière demeure. Et, comme le corbillard avant l’invention du moteur, le traineau annonce son arrivée avec une clochette. Et tu as lu sur ce blog que la clochette, le grelot ou la cloche étaient annonciateurs de l’inhabituel, d’un danger peut-être, en tout cas de l’imminence du non-humain. Or quoi de moins habituel qu’un type obèse en traineau volant ou de plus inquiétant qu’un défunt dont l’âme erre possiblement parmi nous ?

Par ailleurs, le traineau est tiré par un animal qui semble capable de se régénérer, une image rassurante alors que l’hiver est un rappel inquiétant que la mort rôde partout. Circulant librement entre notre monde et celui de l’Au-Delà (c’est pour cette raison que le traineau du Père Noël vole, sinon il utiliserait le FRET comme tout le monde), les rennes ou n’importe quel cervidé sont le symbole d’une incessante boucle enchaînant mort et renaissance.

Le traineau descendant et remontent dans le ciel peut ainsi symboliser la mort autant que la promesse d’une renaissance. Avant son arrivée, les habitants des maisons sont d’ailleurs dans l’attente de cadeaux, les chaussettes/chaussures sont vides. En revanche, après son passage, l’abondance est bien visible et les chaussettes sont pleines ! Après la mort revient la vie mais la vie conduit inéluctablement vers la mort.

Sauf bien sûr si tu n’as pas été mignon pendant l’année. Auquel cas le Père Fouettard te rendra une petite visite. Et si dans la version pour enfant, ce sont des coups de fouet qui sont la juste rétribution des cancres, dans la version non censurée, c’est plutôt la mort qui t’attend.

Traîneau russe en bois sculpté, XIXe siècle. © 1stdibs
Traîneau russe en bois sculpté, XIXe siècle. © 1stdibs

Le traineau et les rennes sont ainsi synonymes de mort et de renaissance ou du soleil / de la vie qui reviendra après l’obscurité / la mort. Des corrélations qui fonctionnent remarquablement pour qualifier cette période de l’année qui rappela quelques souvenirs à la religion catholique (#jesus).

  • UELTSCHI K., Histoire véridique du Père Noël, du traineau à la hotte, Imago, Paris, 2012