En cette veille de Noël, le calendrier de l’avent touche à sa fin. Pour conclure, voici l'objet de Noël idéal qui est aussi le centre d'une tradition islandaise massivement observée le soir du réveillon : le Jólabókaflóðið, le "déluge des livres de Noël". Une tradition simple et calme que les amoureux des livres apprécieront particulièrement.

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Le livre, objet de Noël par excellence de l'Islande.

Le génie des Islandais consiste ici à mêler un des plus bel objet qui soit – à savoir le livre pour ceux à qui ça échapperait encore – aux célébrations de Noël. Point ici d’antiques traditions païennes christiano-sataniques liées au retour de la lumière, traditions aujourd’hui anachroniques puisqu’une simple pression sur un interrupteur t’apportera la lumière jusque dans les plus froids recoins de ton congélateur. Cette tradition révèle également tout le bon sens et le pragmatisme des Islandais qui se tapent bien de savoir quel est le jour le plus sombre de l’année étant donné que chez eux il fait (presque) nuit 6 mois sur 12. En effet, d’un rapide coup d’œil sur le planisphère, tu constateras que l’Islande est une île bien plus proche du Groenland que de Copacabana et la télévision étant une invention récente, il fallut aux Islandais déployer des trésors d’imagination pour faire de leurs légendes des divertissements aussi exotiques qu’une piña colada apportée par une équipe de serveurs ayant fait le choix d’une légèreté des mœurs autant que des tissus. Une forte tradition littéraire s’ancra donc dès le Moyen-Âge sur ce territoire car qu’il fallut bien, pendant plusieurs siècles, occuper ces longues soirées d’hiver dépourvues longtemps de Netflix et de bars interlopes.

Les Islandais sont un peuple féru de lecture, c’est le moins que l’on puisse dire. Il n’est d’ailleurs pas rare de rencontrer un autochtone (en moyenne un Islandais sur dix) se présentant humblement comme l’auteur d’un livre : dans ce pays, ton plombier est peut-être le nouveau Camus et le livreur de pizza un Machiavel qui pousse la ressemblance jusque dans ses préférences de livraison culinaire.

La Seconde Guerre Mondiale marqua un tournant dans les fêtes de Noël de ces calmes insulaires. À cette époque, des restrictions strictes sur les devises étaient imposées de sorte qu’il n’y avait pas beaucoup d’objets importés que l’on puisse avoir les moyens de s’offrir. Les restrictions sur le papier étant plus clémentes que celles imposées aux autres produits, le livre émergea comme le cadeau de Noël de premier choix !

Depuis, les livres publiés en Islande le sont majoritairement entre les mois de septembre et décembre. Dès le mois de novembre, chaque foyer islandais reçoit à son domicile le Bókatíðindi (Bokatidindi), une liste répertoriant tout les livres à paraître pour les fêtes de Noël.

Bokatidindi 2012, le catalogue des livres de Noël en Islande. © Visir.is
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Commence alors l’enchaînement des show télévisés et radiophoniques, de pleines pages dans les journaux sont entièrement dédiées aux critiques des nouveaux livres édités. Les spécialistes littéraires s’écharpent sur les plateaux avec la même fougue que les chroniqueurs décérébrés des chaînes d’info en continu mais avec des choses intéressantes à dire. Quel nouvel auteur fera sensation ? Quel livre, dans chaque catégorie, emportera la faveur des Islandais ? Après Noël, on élira la couverture la plus moche et on encensera ce jeune auteur qui a fait fureur.

Il s’agit véritablement d’une tradition à laquelle les Islandais sont très attachés. Le soir du 24 décembre, on offre à ses proches des livres soigneusement choisis pour eux chez les libraires, après avoir lu avec beaucoup d’attention chaque critique, voire après avoir lu le livre en question pour être certain de son choix. On réveillonne alors et une fois le repas terminé, chacun s’installe confortablement pour lire son cadeau.

Bokatidindi 2019, le catalogue du

C’est, je crois, la plus belle tradition de Noël. Pas d’histoire sordide de gamin né dans une étable dans un pays au système de santé défaillant, pas de type crucifié qui, s’il ne meurt pas rapidement, aura toutes les chances de mourir lentement du tétanos. Pas non plus d’histoire de renaissance, de morts revenus faire flipper les vivants ou de canasson démoniaque promené de maison en maison par des types qui, fiers d’honorer la tradition, se bourrent la gueule méticuleusement trois jours durant. Les Islandais restent calmes, un petit verre de vin chaud tout au plus, un bouquin et une tisane pour les plus fifous. Le réveillon idéal qu’on attribuerait, par chez nous, à celui d’une personne âgée mais que moi, j’aime, car je suis déjà âgée, mon corps dit un nombre à deux chiffres alors qu’en réalité je fêterai l’an prochain mes 247 ans.

Alors oui, ça manque peut-être de cette convivialité que seuls les repas de famille savent créer, comme lorsque tonton René crache sur la dinde en affirmant que les volailles sont comme le covid, elles n’existent pas. Mais à mon humble avis, se ménager une soirée sans bruit une fois par an ne te ferait pas de mal. Et pour éviter de faire montre de talents stupides, va dans une vraie librairie indépendante au lieu de te jeter, en feignasse que tu es, sur internet.

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