Non contente d'être imprononçable, cette coutume qui nous vient du Pays de Galles est aussi particulièrement flippante. Découvrons ensemble la terrifiante Mari Lwyd que tu prendras soin de prononcer comme suit :

Bien que cette tradition ait presque disparue dans les années 1960 (la ville de Llangynwyd, près de Maesteg résiste encore), sa date fut toujours fluctuante mais d’ordinaire fixée entre le solstice d’hiver et le nouvel an, les « célébrations » pouvaient parfois s’étendre sur plusieurs nuits.

Durant ces nuits longues et froides, la tradition du Mari Lwyd voulait que des groupes d’hommes portant rubans et rosettes de couleurs se rendissent (imparfait du subjonctif sa race) de maison en maison en promenant au bout d’une perche un crâne de cheval coiffé de fausses oreilles, de faux yeux, d’un faux harnais, de clochettes et d’un capuchon blanc. Le chic à la galloise, tout simplement.

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COUCOU !!! © Thelineup 

Te voici habitant gallois, à l’aube de l’hiver. Imagine donc arriver devant ta porte, un groupe (souvent passablement éméché) et leur fier destrier. La troupe se met à frapper à ta porte et, l’alcool aidant, ne souffre pas la lassitude de telle sorte que tu finis par leur ouvrir. Une fois face à ce cheval de l’enfer, ces hommes beurrés entonnent dans le pire des canons qui soit un air dont tu devines que les paroles se résument à demander la permission d’entrer. La coutume veut que les habitants répondent par la négative (tu m’étonnes) et qu’une conversation s’engage jusqu’à ce que les propriétaires des lieux n’aient plus aucun argument valable pour refuser l’entrée au canasson décédé.

Une fois à l’intérieur, le Mari Lwyd se met à courir partout en hennissant et en faisant claquer ses mâchoires, renversant ce qu’il trouve sur son chemin et terrorisant les habitants. D’autant que le préposé au maintien du Mari Lwyd soutient mordicus qu’il retient l’animal. Puis on offre de la bière ou du vin chaud et de la nourriture aux visiteurs (qui viennent, soit dit en passant, de pourrir ta maison).

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Une belle bande de poivrots en costume du dimanche. Le "Mari Lwyd" à Llangynwyd, Pays de Galles © People's collection Wales

La tradition fut contrainte de s'éteindre lorsque le vandalisme - volontaire ou pas - des types éméchés faisant le tour du voisinage, ne trouva plus au sein de la communauté suffisant de soutien pour perpétuer annuellement la cavalcade du canasson démoniaque.

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La tradition semble étroitement liée à celle du waissailing, une pratique qui consistait à aller de porte en porte offrir de la bière ou du vin chaud épicé ; waissail en anglo-saxon signifiant « en bonne santé ». Le concept partait d’une bonne intention, d’autant qu’on sait à quel point les épices étaient considérées comme bénéfiques pour avoir une longue vie.

Plusieurs scientifiques se posèrent la question de l’origine du Mari Lwyd, pratique semble-t-il ancestrale qui se rencontra partout en Grande-Bretagne jusqu’au XXe siècle. Mari viendrait très probablement de Mare, « jument » en anglais et Lwyd signifiant « gris » en gallois, ce qui nous donne « jument grise », animal que l’on retrouve dans le Láir Bhán irlandais et le Laare Van de l’Île de Man, les deux termes signifiant « jument blanche ».

Par ailleurs, la symbolique funeste voire infernale du cheval est commune à toute l’Europe, « le cheval est présent comme guide de l’âme chez tout les peuples indo-européens » nous rappelle M.A Wagner (Le cheval dans les croyances germaniques. Paganisme, christianisme et traditions, p.96) : il vole dans la tradition romaine, il est un signe de la mort chez les Grecs, et chez les Germains, « le cheval est à la fois annonciateur, protecteur et démon de la mort » (Histoire véridique du Père Noël, p. 108.

Il est la monture d’Odhinn et lui permet de s’élever dans les airs et d’être « en contact avec les morts, et lorsqu’un de ses fils souhaitera descendre au plus profond du royaume de Hel pour rencontrer un défunt, le dieu-chaman lui prêtera son coursier » (B. HELL, Le sang noir : chasse et mythe du sauvage en Europe, p. 232).

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Odhin sur son cheval Sleipnir. Détail de la pierre de Tjängvide, entre le IXe et le XIIe siècle. Musée historique de Stockholm, Suède

Le cheval comme le cerf, le renne ou la chèvre est un animal psychopompe circulant entre deux mondes, celui des vivants et celui des morts. En le faisant pénétrer dans sa maison aux heures les plus sombres de la nuit et de l’année, on combat le mal par le mal. Le Mari Lwyd possède ainsi une valeur apotropaïque, préservant du malheur et de la maladie. Ce que confirme la coutume de boire du vin ou de la bière épicée lorsqu’on est en présence du Mari Lwyd. Cette coutume proche de celle d’Halloween est d’ailleurs à mettre en relation avec la fête celte du Samain, fête de transition entre le prédominance de la nuit sur la lumière et son inversement, et fête de passage entre le monde des vivants et l’Autre Monde.

En ce sens, le Mari Lwyd se rapproche de la fête des Julebukk qui étaient à l’origine transportés de porte en porte, dans le même objectif que la tradition galloise.

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  • ETTLINGER E., The Occasion and Purpose of the 'Mari Lwyd' Ceremony, Published by: Royal Anthropological Institute of Great Britain and Ireland, Vol. 44 (Jul. - Aug., 1944), pp. 89-93
  • HELL B., Le sang noir : chasse et mythe du sauvage en Europe, Flammarion, Paris 1997
  • IORWERTH P., A Welsh Wassail-Bowl: With a Note on the Mari Lwyd., Published by: Royal Anthropological Institute of Great Britain and Ireland, Vol. 35 (Jun., 1935), pp. 81-82
  • UELTSCHI K., Histoire véridique du Père Noël, du traineau à la hotte, Imago, Paris, 2012
  • WAGNER M.-A., Le cheval dans les croyances germaniques. Paganisme, christianisme et traditions, Honoré Champion, 2005
  • https://fr.forvo.com
  • historic-uk.co
  • museum.wales