Objet mythologique méconnu, la ceinture d’Aphrodite (ou de Vénus) donne à celle qui la porte un pouvoir de séduction irrésistible et fait écho à l’enjeu de liberté ou de soumission inhérent à cet accessoire dans le monde antique gréco-romain. Lointaine parente de la ceinture de chasteté et de celle des concours de miss, la ceinture d’Aphrodite décline une symbolique oscillant entre chasteté et prostitution.
Un rappel sans doute nécessaire : la Grèce antique considère la civilisation qui débute vers 700 avant notre ère, atteint son apogée au Ve siècle, encore avant notre ère, avant de s’affaiblir progressivement sous la conquête romaine à partir du IIIe siècle, toujours avant notre ère.
Aphrodite, celle qui ne s’embarrassait pas de la morale
Considérant ses attributions comme relevant vaguement d’un même sujet, sans prendre la peine de relever la disparité qui affecte nécessairement le personnage auquel ces termes se rapportent, le commun des mortels – amateur du grossier et de l’approximatif – reconnaît Aphrodite comme la déesse du désir, d’amour, gloire et de beauté. Un sens qui dans l’esprit contemporain se rapproche davantage du premier rôle féminin dans une comédie romantique de Noël que de celui de Sharon Stone dans Basic Instinct, qui serait pourtant plus à propos.
Le champ d’action d’Aphrodite, s’il sous-tend une sociabilité moins portée sur l’étude de l’âme que sur celle de son enveloppe charnelle, s’avère pourtant trop large pour être véritablement précis. Car amour, beauté et désir ne sont pas synonymes et peuvent aussi bien être excluants. L’amour ne tient pas à la beauté, le désir n’accompagne pas nécessairement l’amour et la beauté, largement subjective, peut inspirer des sentiments parfaitement contraires à l’amour ou au désir, si tant est que l’on parle de beauté physique ; car Aphrodite exclut tout à fait que l’on associe à sa personne la beauté morale. Cette exclusion péremptoire est la preuve criante que la nature de la déesse est largement méconnue.
À la banalité assurant que la beauté ou la richesse intérieures soient les seules qui comptent, ils sont des millions de représentants de l’espèce humaine ayant de solides arguments réfutant la validité de cet adage à l’heure des sites de rencontres en ligne et de la hausse des taux emprunteurs. Aphrodite n’est aucunement de leur côté mais ne refuse pas de les aider si on prend la peine de lui demander gentiment. Elle l’a fait pour Héra, qui n’était pas la déesse la plus affable qui soit, en lui prêtant sa ceinture ; il n’est alors pas exclu qu’elle réitère l’expérience pour peu qu’on dise « s’il te plaît ».
Aphrodite est plus que belle, elle est séduisante. C’est précisément cet attrait qui lui permet de parvenir à ses fins et de se taper presque l’intégralité des effectifs masculins de l’Olympe, excepté son mari, le boiteux forgeron Héphaïstos. Dans la société de l’Olympe, l’adultère n’est pas moins condamnable que dans celle des hommes. Il n’y a qu’à observer l’opiniâtreté d’Héra à frapper régulièrement les amantes et amants de son mari Zeus pour comprendre que les dieux doivent eux aussi payer des pensions alimentaires et ce, dans un monde où personne ne peut tabler sur une mort prématurée. Il est donc à la portée du premier venu de comprendre le malheur d’Héphaïstos d’avoir pour épouse la séduisante Aphrodite qui le ridiculise à longueur d’éternité, ce qui est une entreprise suffisamment colossale pour pardonner au forgeron divin une rancœur aussi tenace que légitime.
Dans ce contexte, Aphrodite ne peut être la déesse du sentiment amoureux, celui qui répond à des émotions et aux valeurs morales d’une société. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle elle est souvent accompagnée par des Cupidons ou Amours, chargés de faire ce qu’elle considère comme de la basse besogne, à savoir éveiller le sentiment amoureux. Car Aphrodite ne conçoit pas l’amour dans la durée, elle suscite le désir en ce qu’il a de foudroyant, de pulsionnel et d’immédiat. Sa beauté incomparable accentue cette fulgurance qui participe à la naissance du désir pour aboutir à l’amour… physique. Aphrodite incarne les forces irrépressibles de la fécondité, l’impérieux besoin de procréation qui est viscéralement ancré dans (presque) tous les êtres car la nature n’a que faire de la biologie inclusive. Cette pulsion capable de soumettre l’esprit est l’œuvre d’Aphrodite et sa puissance est telle qu’elle est capable, dit-on, d’ôter l’esprit à tous, même aux plus sages.
Usant de son charme comme d’autres useraient de la magie – à la différence que l’un fonctionne avec une relative constance tandis que l’autre fait mouche à coup sûr si l’on est de ces personnes folâtrant parmi les elfes dans la forêt de Brocéliande – Aphrodite lie et empêche la volonté de ceux qu’elle séduit. Alors qu’elle les charme, leur esprit n’est plus libre et, de fait, leur liberté d’action non plus en ce que cette dernière est la traduction physique de leur volonté propre.
Or il se trouve qu’en grec ancien un des mots désignant l’action de lier signifie aussi « lier par un charme magique, en faisant un nœud » (in Images et symboles, voir la bibliographie). Or, qu’est ce qu’une ceinture sinon un lien noué ?
Sans sa ceinture, Aphrodite n’est que l’incarnation d’un idéal de beauté, une forme sculpturale creuse et insipide comme aujourd’hui les instagrameuses. Mais qu’est la beauté sans le charme ?
Aphrodite, la déesse à la belle ceinture
Les traducteurs ont souvent choisi d’interpréter l’ornement enchanteur d’Aphrodite décrit par les textes antiques comme une ceinture. Nombreuses sont les occurrences où Aphrodite est affublée de l’épithète homérique « à la belle ceinture ». Mais elle n’est pas la seule à répondre à cette particularité et celles qui la partagent avec elle ont en commun de disposer d’un pouvoir sur les autres ou d’une liberté qui n’est pas le commun de la femme mortelle de l’Antiquité.
En ce qui concerne Aphrodite, le terme de ceinture ne définit peut être pas idéalement l’accessoire dont il est question mais faute de mieux, il reste pour le moment le terme le plus approprié. Son acceptation générale tient à ce que le nœud du problème soit justement ce nœud qui singularise l’ornement. La ceinture dans son aspect le plus primitif est un lien noué, c’est l’évocation la plus simple du nœud, quel que soit le matériau dont est fait la ceinture.
Or depuis que l’Homme a développé son intelligence au détriment d’une petite boîte crânienne d’Australopithèque – puis finalement, rebroussant chemin au XXIe siècle pour sacrifier l’intelligence à la nostalgie d’un temps où l’esprit voyageait léger sans même en avoir conscience – et bien, depuis cette glorieuse époque, le nœud, les cordes et les bandes pouvant être nouées ont été jugés capables d’agir magiquement. En ce qui concerne l’antiquité grecque, l’amulette est un objet littéralement attaché autour d’une personne et le cordon noué a peut-être été l’amulette elle-même, dans sa forme la plus archaïque. L’action de lier est considérée comme magique et ce, osons l’affirmer, partout dans le monde. Depuis les divinités indo-européennes jusqu’aux pratiques magiques africaines en passant par la médecine populaire, les nœuds de cordes, de lacets ou de bandes sont régulièrement les acteurs principaux de sorts et de charmes néfastes, bénéfiques ou prophylactiques dans de nombreux rituels ou croyances. Tous sont d’une redoutable efficacité si l’on fait preuve de suffisamment de souplesse pour interpréter les éventuelles effets constatés, ou même leur absence, comme une réponse éloquente au nouage ou au dénouage.
Or le nœud est par essence ambivalent. Il peut être fait pour protéger et attaquer aussi bien qu’il peut-être défait pour libérer ou soumettre. Le nœud appelle deux actions allant de la corde lâche au nœud puis du nœud à la corde lâche. Dans les deux cas, nouer et dénouer, lier et délier sont des actions qui peuvent être délibérément choisies ou subies. Et il est un cas en particulier où l’ambivalence de ces actions ouvre les portes soit au chaos le plus inquiétant, soit à l’ordre parfait d’une société grecque ordonnée. Il s’agit de la ceinture de la jeune épousée grecque qui doit être dénouée par son époux lors du mariage.
La ceinture nouée de la jeune fille grecque doit être dénouée par son époux, le jour de son mariage. Le nœud symbolise la chasteté de l’épousée, un espace inviolé.
Ornement en or sous la forme d’un nœud Herakles avec en son centre un Cupidon sans aile. Période hellénistique, entre la fin du IVe et le IIIe siècle avant notre ère © The Trustees of the British Museum
L’ornement est naturellement symbolique de la pureté de la jeune fille, pureté garante de la production labellisée conforme de nouveaux citoyens grecs libres. Or la ceinture nouée afin de préserver la chasteté devrait, si elle était un temps soit peu efficace, faire fuir par ses terribles menaces magiques le moindre prétendant un peu trop entreprenant. Mais naturellement, ce n’est pas le cas. Car cette ceinture, au moment du mariage, a un tout autre rôle que celui qu’elle remplissait encore la veille au soir.
Lors de ses noces, la jeune fille doit être magnifiquement parée afin d’émoustiller son fiancé tout en conservant en même temps une certaine pudeur afin de ne pas remettre en question l’autorité du futur mari. Ce dernier doit être séduit mais sans perdre le contrôle de son esprit : la séduction est en partie une ruse et les vrais bonhommes ne se font pas duper. Le jeu d’équilibriste pour l’épousée consiste donc à incarner une sorte d’Aphrodite de couvent, une traînée demeurée miraculeusement vierge. Une fois que le mari à « dénouer sa ceinture » à l’épousée, alors le boulot est quasiment terminé puisque l’expression signifie pour les jeunes filles de cette époque qu’elles perdent leur virginité. L’épouse légitime n’a dès lors plus à se montrer séduisante en société puisqu’elle est déjà mariée. Seulement, elle doit continuer de séduire son mari dans la sphère privée afin d’enfanter, ce qui est son seul et unique objectif de vie louable alors que le Compte Personnel de Formation n’existe pas encore. Au lendemain du mariage, la séduction apparaît à nouveau comme un attrait dangereux qui se doit d’être strictement encadré.
La séduction publique caractérisent les seules hétaïres (les concubines et/ou prostituées) dont c’est le seul moyen pour parvenir à leurs fins et vivre sans l’aide d’un citoyen grec libre, et comme chacun l’imagine, généreusement huilé. On ne compte plus les hétaïres célèbres dites « à la belle ceinture » et si la ceinture est belle, alors celle qui la porte possède un pouvoir qui lie la volonté et inverse la hiérarchie de la société publique. Les femmes à la belle ceinture disposent du même pouvoir qu’Aphrodite mais ce pouvoir est considéré différemment s’il est exercé dans la sphère publique par les hétaïres ou dans la sphère privée par les épouses légitimes d’ailleurs pas toujours satisfaites du retour sur investissement.
Le séduisant pouvoir de la ceinture d’Aphrodite
Il est désormais clair que la beauté ne fait pas le charme. Les deux peuvent s’allier bien sûr mais lorsque la beauté se fane, le charme ne s’évanouit pas (toujours) avec elle. C’est une observation ancienne qui fait toujours consensus aujourd’hui. Elle soulève aussi la question de la nature mystérieuse du charme qui, dès lors, est considéré comme un attrait magique, capable de solidement lier et empêcher l’esprit critique et la volonté de s’exercer. D’où ce double sens qui a perduré : le charme est aussi bien une qualité qui attire qu’un enchantement relevant plus ou moins de la magie.
Or c’est précisément le pouvoir de la ceinture nouée de la déesse que de porter tous les charmes et de séduire irrésistiblement aussi bien les dieux que les mortels. Si l’on se contente de ce qu’écrit Homère alors la ceinture d’Aphrodite est un accessoire permettant de séduire et de susciter le désir et l’osmose entre les amoureux. Si la situation est houleuse dans le couple, elle fait oublier les querelles en rendant celle qui la porte tellement désirable que tout est oublié, tout est pardonné car il n’y a pas d’autres possibilités pour celui qui est l’objet du charme, dans tous les sens du terme. C’est justement l’usage qu’en fait Héra lorsqu’elle emprunte à Aphrodite sa ceinture. Bien que pour justifier cet emprunt elle argue de sa volonté de reconquérir le cœur de son époux (et frère, ce qui n’arrange rien, commencer par une psychanalyse eut été sans doute plus efficace), Héra use de la ceinture comme d’une ruse pour manipuler Zeus (la séduction est une ruse servant une autre ruse, nous sommes en plein dans l’intelligence à mètis) et parvenir à ses fins : donner la victoire aux Achéens durant la Guerre de Troie.
Aphrodite, également trompée par Héra, accepte bien volontiers de lui prêter sa ceinture :
Reçois cette ceinture aux couleurs variées, où résident toutes les voluptés, et mets-la sur ton sein et tu ne reviendras pas sans avoir fait ce que tu désires.
Iliade, Chant XIV
Une fois allégée de sa ceinture, Aphrodite n’en est pas moins belle mais elle ne dispose plus de ce charme irrésistible qui la caractérise comme une divinité puissante de l’Olympe. Ce charme propre à la ceinture doit donc être davantage considéré comme une grâce au sens d’un don accordé par une divinité ; un don qui peut être accordé comme il peut être repris. Ainsi, le charme qui s’exerce indépendamment de la beauté peut dépérir et finir par disparaître… aussi bien qu’il peut caractériser toute sa vie la personne qui en est dotée. Tout cela au bon vouloir d’on ne sait quelle entité capricieuse. La grâce est instable, changeante et cette ceinture l’incarne en tant qu’objet en mouvement, qui peut se nouer et se dénouer, parer Aphrodite avant de ceindre Héra, orner une jeune fille puis une épouse légitime. La grâce qui fait de la beauté une séduction est un mouvement particulier de la beauté. Personne n’a mieux saisi cette conception que le théoricien de l’esthétique Friedrich von Schiller (1759 – 1805) dans son essai Sur la grâce et la dignité paru en 1793 (voir bibliographie) :
Si maintenant la ceinture de grâce exprime un caractère objectif qui se distingue de son sujet sans rien changer à sa nature, alors elle ne peut caractériser que la beauté du mouvement, puisque le mouvement est le seul changement qui puisse se produire avec un objet sans dissoudre son identité. […] La grâce, dit le mythe, est quelque chose de fortuit dans son sujet ; donc seuls les mouvements fortuits peuvent avoir cette caractéristique. En ce qui concerne l’idéal de beauté, tous les mouvements nécessaires doivent être beaux, car, en tant que nécessaires, ils appartiennent à sa nature ; la beauté de ce mouvement est donc déjà donnée avec le concept de Vénus, alors que la beauté du mouvement fortuit est une valorisation de ce concept. Il y a une grâce de la voix, mais pas de grâce du souffle. La grâce ne peut caractériser que des mouvements volontaires mais aussi, parmi ceux-ci, seulement ceux qui expriment des sentiments moraux. Les mouvements qui n’ont d’autres sources que la sensualité, si volontaires soient-ils, n’appartiennent qu’à la nature, qui ne s’élève jamais à la grâce par elle seule. La luxure pourrait-elle s’exprimer avec ce charme, l’instinct avec grâce, alors le charme et la grâce ne seraient plus capables, ni dignes, de servir d’expression de l’humanité.
Aphrodite n’est donc pas tout à fait du côté de l’instinct et de l’animalité comme l’est Artémis, déesse guidant les enfants depuis l’état sauvage vers la culture. Raison pour laquelle les fillettes de la Grèce antique ne portent pas de ceinture avant d’être nubiles. C’est toujours pour cette raison que ces mêmes fillettes entrant dans la nubilité, avant même de porter une ceinture, consacrent des objets de leur enfance à Artémis tandis que celles qui ont d’ores et déjà rejoint la société par le mariage et l’enfantement – décidément, cette perspective de vie est réjouissante – consacrent, entre autres, à Aphrodite. La ceinture marque l’habit des citoyennes (et des citoyens). Les enfants qui n’en portent pas ne sont pas encore entrés dans le monde civilisé. Leur liberté de mouvement et en particulier celle des fillettes n’est donc pas une menace propre à fragiliser la stabilité sociale et la pérennité de la cité, et ce tant que ces enfants n’auront pas rejoint la communauté citoyenne.
Une fois considérées comme citoyennes ou en passe de l’être, les jeunes filles portent la ceinture comme une accessoire marqueur de soumission à ce que la société exige d’elles et comme un moyen de parvenir à satisfaire cette exigence sociale. La ceinture des jeunes filles, tout comme celle d’Aphrodite, est bien une grâce accordée, indépendamment de la nature du sujet. Une grâce qui se révèle profondément libre puisque son pouvoir est ambivalent : à partir du moment où la jeune fille ceint sa ceinture, cette dernière est pleine d’une incertitude quant à l’objectif que son dénouement (littéral et figuré) servira : soit rejoindre la liberté de mouvement des hétaïres séductrices et participer au chaos annoncé qui s’abattra immanquablement sur la cité à cause de ces traînées se roulant dans le stupre, soit rejoindre la communauté des citoyennes dont la liberté de mouvement encadrée favorise l’ordre et la pérennité de la cité car, comme chacun le sait, les femmes sont de pernicieuses créatures capables de renverser l’ordre établi en à peine plus de 3000 ans.
Ceindre la ceinture autour de la taille d’une jeune fille nouvellement nubile, c’est donc courir un risque, mais un risque nécessaire. La mythique création de Pandore (littéralement celle qui possède « tous les dons ») reflète avec éloquence l’attirance, la méfiance, somme toute l’ambivalence qui accompagnent cet accessoire à la fois symbole de charme et de ruse mais aussi de chasteté et de pureté. Dans le mythe, la séduisante Aphrodite donne à Pandore la grâce, mais ne se défait pas de sa ceinture et c’est Athéna, la déesse parthenos (vierge) qui pare la jeune fille :
Avec de la terre, l’illustre Boiteux (Héphaïstos) modela un être tout pareil à une chaste vierge, par le vouloir du Cronide. La déesse aux yeux pers, Athéna, lui noua sa ceinture, après l’avoir parée d’une robe blanche, tandis que de son front ses mains faisaient tomber un voile aux mille broderies, merveille pour les yeux. Autour de sa tête, elle posa un diadème d’or.
Hésiode, Théogonie, 570 – 580
Il existe sûrement deux raisons justifiant que la ceinture de Pandore ne peut pas être celle d’Aphrodite. La première tient à ce que les objets mythologiques sont d’ordinaire donnés ou prêtés par les dieux aux héros et non aux vierges humaines comme Pandore est supposée l’être. La seconde s’explique par la nécessité qu’a la ceinture d’être commune à celles utilisées par les mortelles, assez puissante par leur symbolique pour évoquer les grâces d’Aphrodite et suffisamment inoffensive pour que le fiancé se tape la mariée sans trop de difficulté.
Le mal qui s’apprête à déferler sur l’humanité sous les traits de la charmante Pandore est ainsi pourvu de tous les aspects du bien. C’est une ruse séduisante suffisamment divine pour parvenir à ses fins mais suffisamment humaine pour rappeler qu’une femme ordinaire ne peut tromper qu’un imbécile, en l’occurence Épiméthée, l’époux de Pandore, dont le nom signifie littéralement « qui réfléchit après ». Seul un imbécile laisserait à son épouse toute liberté de mouvement, y compris celle d’ouvrir une fichue boîte qu’on lui avait pourtant expressément défendue d’ouvrir. L’honneur de la gent masculine est ainsi sauf car il se trouve que les débiles sont plus ou moins considérés comme des femmes dans la société grecque antique.
Il en aurait été tout autrement si la ceinture de Pandore avait été prêtée par Aphrodite. La grâce de la jeune fille aurait été littéralement divine et proprement irrésistible ; les hommes n’auraient pu se reprocher d’avoir cédé, d’avoir perdu la raison, puisque c’est justement le propre du charme envoûtant de la ceinture de la déesse. Les calamités déversées sur l’humanité n’auraient été qu’un triste sort jeté par des dieux revanchards et injustes tandis qu’elles sont avec Pandore une souffrance d’autant plus douloureuse qu’on réalise qu’elles auraient pu être évitées avec un peu de jugeote. C’est la calamité des calamités, la tourmente suprême que de s’être fait berné par une simple vierge joliment apprêtée portant robe, diadème et ceinture. Il fallait que l’ensemble soit éblouissant et invraisemblablement désirable pour qu’un homme – aussi imbécile soit-il – se fasse prendre. Et si Hésiode ne décrit pas la ceinture, il est tout de même possible d’envisager dans ce contexte quelque chose d’un peu plus habillé qu’un vulgaire lien noué en corde tressée. Mais ces ceintures peuvent-elles être comparées dans leur forme à celle d’Aphrodite ?
Kestós imás, ceinture, sautoir et lanières : les multiples figures de l’attribut d’Aphrodite
Sans doute le lecteur helléniste – dont on sait l’irascibilité mise à rude épreuve par Google traduction – reproche à cet article ses circonvolutions rechignant à appeler un chat, un chat ou – pour ceux qui ont la référence – un rat, un surmulot. Il a précédemment été écrit ici que les traducteurs s’accordaient à interpréter le terme qui en grec ancien désigne l’attribut d’Aphrodite – kestós imás – par le mot ceinture.
Les puristes liront avec justesse qu’il s’agit tout bonnement d’une ceinture (ἱμάς) brodée ou simplement percée de trous (κεστός) formant un motif. Ce qui laisse toute latitude pour envisager que cette ceinture ait pu être modeste ou enrichie de fils colorées (« cette ceinture aux couleurs variées » dit Aphrodite à Héra) de perles tout aussi chamarrées, peut-être de pierres précieuses et, pourquoi pas, dans ses versions modernes, de strass clignotants tel un manège forain un soir de fête nationale.
La décoration de l’accessoire n’est sans doute pas l’élément le plus retors à définir. Il a pu recevoir un certain nombre de décoration dont le choix découlait naturellement de la matière servant de support : teinture, broderies, poinçons, incrustations, etc.
La question la plus intéressante tient à la forme du kestós imás car l’attribut d’un dieu n’est jamais choisi au hasard et s’apparente plus souvent à la déclinaison d’un héritage varié de traditions et de cultes séculaires, souvent lointains. La ceinture d’Aphrodite ne déroge pas à la règle.
Une riche étude du comte Mesnil du Buisson décortiquant les origines et la symbolique du sautoir d’Atargatis – une importante divinité syrienne considérée comme une sorte d’Aphrodite – met en évidence les liens qui unissent ces deux déesses à Ishtar, Astarté ainsi qu’à des divinités indiennes anciennes.
La persistance des motifs qui caractérisent ces déesses dites « nues » est remarquable et s’étire au moins depuis le troisième millénaire avant notre ère jusque dans les civilisations grecque et romaine. L’enquête minutieuse révèle la récurrence d’un motif en X composé de deux lanières se croisant sur la poitrine et dans le dos. Plusieurs traces archéologiques laissent entendre que ces lanières sont sur certaines figures ou figurines des pièces d’orfèvrerie ou de cuir et du Mesnil de conclure qu’il s’agit davantage d’un sautoir que d’une ceinture, tout en nuançant ses conclusions :
Nous ne sommes point certain du reste, que dans les idoles primitives, le grand X qui barre la poitrine fût réellement un bijou. Nous y verrons plutôt une figure astrale signifiant que la déesse est en réalité une étoile du ciel, Vénus. On sait qu’à une très haute époque, le soleil et les étoiles étaient souvent représentées par une croix ou un X.
in Le sautoir d’Atargatis et la chaîne d’amulettes
Or la planète Vénus, brillante comme une étoile, est visible tantôt le matin, tantôt le soir. Son cycle nocturne suivi de sa disparition et de sa réapparition au matin ont donné naissance à nombre de mythes évoquant le séjour dans les Enfers d’une déesse assimilée à l’astre Vénus (Ishtar, Astarté, Atargatis, Isis, Aphrodite, Vénus) puis au retour de cette déesse à la lumière du jour. Or toutes ces divinités féminines forment une entité divine qui « s’est formée, dans la préhistoire religieuse, de la fusion de plusieurs divinités, dont certaines se présentaient comme des prostituées mais d’autres comme des déesses vierges » (in Le sautoir d’Atargatis et la chaîne d’amulettes). Sautoir ou ceinture semblent bien confirmer le lien ambigu entre virginité, chasteté et séduction. Le nœud qui maintient l’accessoire au corps de la déesse nue peut se lire comme une symbolique de défense, fermant le corps de celle qui le porte, ou au contraire comme une invitation au dénouement, dans une perspective de séduction.
À la suite de du Mesnil, le professeur Campbell Bonner (1876 – 1954) poursuit les recherches concernant les origines de la ceinture d’Aphrodite, puisque celles de son prédecsseur ont permis de lier le sautoir des déesses nues à des représentations d’Aphrodite dans des peintures d’époque hellénistique et romaine.
Ainsi, il apparaît assez clairement que le nouage joue dans le motif du sautoir – et plus largement dans celui du kestós imás – un rôle prépondérant toujours associé, dans le cas de la déesse, à une disposition en diagonale sur le corps qui le reçoit.
Il semble que cette disposition en diagonale était magiquement significative en soi. Monsieur W. Deonna (Waldemar Deonna, 1880 – 1959) a collecté des exemples de ces superstitions qui assignent une valeur apotropaïque aux mouvements faits en diagonale à travers le corps. Si une seule diagonale était prophylactique, deux devaient l’être encore davantage : et l’on peut regarder le sautoir comme dérivé de deux cordons ou lanières bouclés en diagonale autour du corps dans des directions opposées.
Campbell Bonner, Kestos Imas et le sautoir d’Aphrodite
La ceinture d’Aphrodite serait donc davantage un sautoir qu’une ceinture, un ornement prophylactique évoquant l’astre errant Vénus et les déesses mythiques qui s’y rapportent. Elle semble se nouer sur le plexus ou sous la poitrine, et l’anamaskhalister grec s’en fait l’écho. Plus communément, les ceintures des mortelles étaient simples, en tissu teint ou brodé, élégantes sans être opulentes, toujours dans cette volonté d’osciller entre charme et chasteté, avec pour unique but poursuivi, la fécondité. Se présenter telle Athéna à son fiancé ou son époux, user des charmes d’Aphrodite avant de retourner fissa à un idéal d’épouse portée par Héra – qui, rappelons-le, emprunte sa ceinture à Aphrodite pour duper son mari par le charme et la séduction – est tout ce que la société attend des femmes grecques. La ceinture employée pour marquer le passage de l’état de jeune fille à celui d’épouse apparaît pourtant moins une ruse de séduction qu’une étape subie ; la ceinture nouée et dénouée de la femme grecque rythme sa vie sexuelle et la soumet aux choix d’une société dans laquelle elle n’a aucun pouvoir. Seulement dans la sphère privée, l’épouse modèle peut s’aventurer à manier sa ceinture aussi bien que n’importe quelle hétaïre de haute volée.
Le pouvoir des femmes grecque est tout entier dans leur ceinture et dans l’usage qu’elles en font, autant dire qu’il s’agit d’une illusion de pouvoir. Mais elles ne semblent pas avoir d’autres opportunités puisque la société grecque un tantinet misogyne ne leur accorde comme pré-carré que celui de la vie domestique, la maison oikos – et encore. Chacun de leur mouvement est circonscrit à un espace de la société précis et encadré, ce qui laisse donc une très faible tolérance à cette grâce qui se traduit par « les mouvements fortuits de la beauté ». Seules quelques très rares hétaïres parviennent à s’arracher à cette condition mais ce statut auquel elles tendent est aussi cher payé que son résultat est incertain, voire carrément historique.
Le pouvoir par la ceinture : Aphrodite incarnée
La ceinture n’est pas uniquement féminine dans la société grecque. Elle est également fièrement portée par les hommes mais imprégnée d’une toute autre signification puisqu’elle témoigne de l’autorité du masculin. La ceinture du soldat porte les armes et un Grec « sans ceinture » est un Grec désarmé. « Boucler sa ceinture » n’indique nullement que la civilisation grecque poussa si loin les avancées technologiques qu’elle disposa un temps d’une flotte aérienne opérationnelle, mais plutôt l’accession pour les jeunes garçons au monde adulte des citoyens. Le seul point commun entre ceinture féminine et ceinture masculine est que chacune d’elle marque l’entrée du porteur dans la communauté.
La première entend ajouter une machine reproductive au parc déjà existant pour produire de nouveaux citoyens à la vitesse d’une usine chinoise dont la productivité ferait fi des droits de l’Homme – ce qui est communément le cas, d’où la pertinence magistrale de cet exemple – et la seconde se propose d’encadrer tout ça de manière à ce que le système continue de fonctionner de manière parfaitement constante et inéquitable. La démocratie n’est pas synonyme d’égalité, c’est le moins que l’on puisse dire.
Mais il suffit d’un grain de sable dans ces rouages parfaitement huilés – comme les Grecs – pour que cette solide autorité rugissante devienne (presque) aussi inoffensive qu’un chaton. Certes, le grain de sable est tellement rare qu’il doit sans doute être considéré comme une triste exception, le fruit d’un funeste relâchement de l’attention entrainant, subitement, une inversion de la hiérarchie sociale ou au moins une égalisation. Il suffit pour cela qu’une jeune femme quittant Artémis (la vie sauvage de l’enfance) refuse obstinément de suivre le modèle prôné par Héra et d’obéir gentiment à son père, son mari ou le gros lourd du coin qui tient un étal de feuilles de vigne farcies. Celle-là représente un danger qui d’ordinaire est bien vite maté, à moins que la jeune fille soit étrangère ou ait été depuis toujours vouée à tapiner.
Les ceintures des prostituées ordinaires étaient sans doute modestes car les jeunes femmes bénéficiaient peu des profits de leur activité. Celles des hétaïres en revanche devaient être de superbes ornements.
Ceinture grecque en or. Période hellénistique, vers IIIe – IIe siècle avant notre ère. Vendue le 13 décembre 2013 à New York © Christie’s
Bien que le sujet concerne ici les femmes prostituées, l’Antiquité grecque et romaine emploie un riche champ lexical déclinant les différentes faveurs sexuelles échangées contre de l’argent ou des biens matériels entre personnes libres et non libres (bien que des personnes libres puissent également se prostituer si ça leur chante). Les rapports entre ces personnes ne sont donc pas exclusivement des rapports hommes – femmes, comme je vois déjà se profiler les ayatollah de la question du genre dont la considération de l’anachronisme semble aussi superflue que celle de l’attraction terrestre pour Superman.
La prostitution dans la société grecque n’est une partie de plaisir que pour celui qui paie. Ordinairement, les prostituées sont des esclaves dont on dispose comme d’une marchandise louée pour un certain temps et à un certain prix, fixé soit par la ville soit par le proxénète. Elles ne disposent de rien et il est bien entendu inimaginable qu’elles aient seulement l’outrecuidance de penser à refuser un client. Le commerce est juteux et la gamme des « produits » est étendue, depuis la prostituée sans talent à l’aulétride (joueuse d’aulos) qui égaie les repas par sa musique et qu’on peut se taper à loisir pour une somme raisonnable.
Mais pour peu que la dame soit éduquée et fasse montre de nombreux talents – sexuels mais surtout intellectuels et artistiques – un horizon de perspectives plus réjouissantes s’esquissent pour ces hétaïres, ces courtisanes de luxe jouant de leur grâce pour capter richesse et pouvoir.
Ce sont elles, les citoyennes « à la belle ceinture » qui apparaissent dans de nombreux textes antiques. Comme Aphrodite, elles ont du pouvoir. Comme la déesse usant de sa ceinture, elles obtiennent pouvoir et richesse en séduisant les hommes par l’exercice gracieux de leurs charmes. Contrairement aux épouses légitimes qu’on pourrait comparer à des génitrices-concierges, les hétaïres sont indépendantes et accumulent parfois des richesses extravagantes ce qui ne leur vaut évidemment pas de traverser l’Histoire sans heurt. Elles sont régulièrement accusées de toutes les perversités et de tous les torts. En accédant par la séduction à un rôle social proche de celui réservé aux hommes, les hétaïres rejoignent le cercle très fermé des femmes indépendantes – des quasi déesses, adulées, disputées, libres de rejeter avec dédain et d’exiger qu’on satisfasse leurs caprices, autant dire une aberration monstrueuse, insensée qui, fort heureusement, déroutait avant tout le Grec antique par la rareté du phénomène.
Invariablement, les hétaïres éduquées et indépendantes font se tordre de désir les hommes libres tandis que les épouses légitimes sans éducation sont cantonnées dans l’oikos fraîchement construit, avec façade chaulée et colonnes électriques, à tisser tout un tas de saloperies dans le gynécée pour vêtir le gamin qui s’ajoute annuellement au foyer. La situation est ainsi résumée par Apollodore lors d’une fameuse diatribe dans un procès l’opposant à une hétaïre :
Les courtisanes (hetairai), nous les avons pour le plaisir ; les concubines (pallakai), pour les soins de tous les jours ; les épouses (gynaikai), pour avoir une descendance légitime et une gardienne fidèle du foyer.
Pseudo-Démosthène, Contre Nééra
Nééra, face à qui Apollodore bouillonne de colère, est l’une de ces hétaïres à la belle ceinture. Elle vécut d’abord en tant qu’esclave éduquée sous la coupe d’une maquerelle avant d’être achetée pour une somme élevée par deux de ses clients attitrés. À la faveur du mariage d’un des deux acheteurs, elle racheta sa liberté mais ne fut jamais aussi célèbre que Phryné ou Aspasie.
Aspasie vécut au Ve siècle avant notre ère et imposa le respect à d’importants hommes de son temps par son érudition, son éloquence, son intelligence politique et son agilité en philosophie. Étrangère à la cité d’Athènes, elle n’eut pas à se plier aux règles qui astreignaient au foyer les femmes libres, ce qui lui conféra une certaine indépendance mais lui attira aussi les foudres de citoyens puissants. Il est même possible qu’elle n’ait jamais été hétaïre, mais le seul fait qu’elle ait pu se mêler de politique et de philosophie alors qu’elle était étrangère et femme était certainement une couleuvre trop difficile à avaler pour nombre de mâles athéniens. Et chacun sait qu’à bout d’argument, le qualificatif de « pute » (ou d’hétaïre en grec) permet de clore joliment le débat en synthétisant l’idée générale d’un agacement que l’esprit simple peine à verbaliser.
Phryné est une autre hétaïre dont la réputation traversa le temps. Elle vécut au IVe siècle avant notre ère et sa beauté était telle que Praxitèle la choisit comme modèle pour son Aphrodite de Cnide tandis que le peintre Apelle n’aurait pu, semble-t-il, choisir personne d’autre pour son Aphrodite Anadyomène. Phryné apparaît comme l’incarnation vivante de la déesse à la belle ceinture.
Sa réputation est telle qu’elle demande pour une nuit des sommes astronomiques et amasse des richesses colossales. Le grammairien Callistrate (qui vécut deux siècles après elle) affirme que Phryné était si riche qu’elle se proposa de financer la reconstruction des murailles de Thèbes détruites par Alexandre le Grand à condition que soit gravée l’inscription « Détruites par Alexandre, rebâties par Phryné, l’hétaïre ». Si l’histoire rapportée est vraie, on imagine sans peine que l’offre ait été refusée tant cela couvrait de ridicule une société de bonhommes en toge pas foutus de reconstruire des murs. Naturellement, elle attira les jalousies et toutes sortes d’accusations furent portées contre elle pour remettre à sa place cette présomptueuse. La postérité a retenu un épisode (sans doute fantasmé) de son procès où son défenseur lui arrache son vêtement pour révéler le caractère divin de sa beauté, comme si le tribunal athénien (l’aréopage) osait juger Aphrodite en personne. Dans la célèbre interprétation signée Jean-Léon Gérôme (1824 – 1904), la belle ceinture git aux pieds de Phryné ; l’identification du personnage ne laisse ainsi aucun doute.
Phrynè est sans doute la plus emblématique des hétaïres et se fait l’incarnation parfaite de la déesse, aussi bien dans l’idée que l’on se fait d’une hétaïre dans la Grèce antique que dans celle de la représentation physique d’Aphrodite. Il est d’ailleurs emblématique que son nom ait traversé le temps, toujours accompagné de son épithète homérique.
La ceinture d’Aphrodite et toute la symbolique qui lui fait logiquement écho dans la société grecque de l’antiquité tient toute entière à l’ambiguïté symbolique du nœud. Toujours, il oscille entre pouvoir exercé et pouvoir subi et peut aussi bien singulariser le dominant que caractériser le dominé. D’autres personnages mythologiques se trouvent à des moments clefs de leur mythe en possession ou en confrontation avec la puissance symbolique d’un nœud ou d’une ceinture.
L’Amazone Hippolytè offrant de bonne grâce sa ceinture à Herakles est un exemple d’autant plus frappant que cet accessoire n’est pas considéré dans le mythe comme apparenté au kestós imás d’Aphrodite mais au zôstếr (ζωστήρ), le ceinturon du soldat. Par ce simple mot, l’Amazone est exclue de l’univers ordinaire des femmes et traite avec Herakles d’égal à égal, presque d’homme à homme. Il est d’ailleurs révélateur que les fréquentes occurrences des ceintures nouées dans les textes antiques soient seulement attachées aux personnages féminins mythiques ou mortels, aux hermaphrodites, aux jeunes enfants et aux hommes affaiblis (physiquement ou mentalement). La simple ceinture nouée protège et désigne les faibles tandis que le ceinturon est l’attribut belliqueux des forts.
Aphrodite n’est pas la déesse des seules courtisanes. Elle est une des déesses auxquelles consacre la gent féminine, et la symbolique de son attribut accompagne la vie sexuelle des femmes, qu’elles soient courtisanes, concubines ou épouses légitimes. Encore aujourd’hui le lointain souvenir de la ceinture nouée d’Aphrodite demeure dans l’écharpe des concours de Miss (c’est bien la séduisante Aphrodite « à la belle ceinture » que le jugement de Pâris désigne comme celle à qui doit revenir la pomme de Discorde) et aussi sur le nœud dit « fantaisie » qui orne depuis toujours les petites culottes féminines…
- BOUCHER François, Histoire du costume en Occident. Flammarion, Paris, 2008
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- VON SCHILLER Friedrich, De la grâce et de la dignité. Herman, Collection Savoir : Lettres, 1998
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Ouf ! et un très grand merci car, depuis très très longtemps je cherche à comprendre pourquoi Vénus a donné sa ceinture à Pandore lors de sa naissance.
je vais essayer de suivre vos travaux… si je sais les trouver.
Amitiés d’Ariège
Vénus ne donne jamais rien sans raison 😉 Merci Guy !
Ah, si j’avais pu lire cet article avant d’écrire la zoonymie de Melitaea cinxia ! Bravo !