Les couronnes de houx ornant les portes à Noël méritent davantage d'attention et de considération que leurs ersatz de plastique, dérives hérétiques de dangereux extrêmistes amateurs de guirlandes extérieures clignotantes et autres Père Noël gonflables.
Remercions à nouveau Germains et Scandinaves pour leur goût certain en matière de célébration du solstice d’hiver ainsi que pour leur inénarrable tolérance à se voir piquer l’idée par un despotique gringalet en slip.
C’est en effet sans l’ombre d’un doute que la tradition des couronnes de houx nous vient, non pas de la couronne d’épines de Jésus qui avait, décidément, une notion toute personnelle du chic, mais bien des délicieuses provinces septentrionales qui les confectionnent depuis fort longtemps à l’occasion de la fête de Yule (le solstice d’hiver), autour du 21 décembre.
Cette fête marque le moment de l’année où la lumière triomphe des ténèbres, où les jours commencent à être plus longs que les nuits. La vie – liée au printemps, à la renaissance, au retour des feuillages – triomphe ainsi de la mort (qu’on associait plus volontiers à l’hiver), à la saison froide et à l’épuisement de la végétation.
La mythologie nordique personnifie la vie sous la forme du Roi Chêne (un arbre renaissant avec son feuillage à l’arrivée du printemps) tandis que la mort est incarnée par le Roi Houx aux feuilles épineuses, agressives et persistantes. Au solstice d’hiver, les couronnes de houx commémorent la défaite du Roi Houx. Car face au lumineux Roi Chêne, le Roi Houx ne peut que s’incliner, acceptant la victoire de la lumière sur l’obscurité, de la vie de la mort.
Ces deux Rois furent très présents dans les mythes celtes et l’usage des végétaux correspondant à chacun d’eux fut tout aussi importante dans le quotidien cultuel et traditionnel. Ainsi, le funeste houx possédait, assurait-on, des pouvoirs prophylactiques qui ne le rendaient pas tout à fait détestable.
Associé aux dieux de l’orage, le houx apparaissait comme une protection magique contre la foudre et contre le mal en général (maléfices, esprits négatifs, impôts, etc). Cette vertu protectrice lui valut dès lors une place d’honneur à la porte des habitations.
Toujours associé au houx, le dieu Heimdall – dieu encore énigmatique mais que l’on sait appartenir à l’ordre primordial de la mythologie nordique – incarnait le gardien du pont reliant le monde des humains, Midgard, à celui des dieux, Asgard.
Heindall était ainsi un intermédiaire entre deux univers mortel et divin et donc le plus à même de veiller sur les cérémonies rituelles. Puisqu’il garantissait la porosité entre ces deux mondes, sa présence incarnée par le houx suffisait à insuffler le sacré. Par ailleurs, il assurait, lors des célébrations funèbres, le passage de l’âme du disparu au monde des défunts.
Pour cette raison, les peuples germains et scandinaves plaçaient dans les espaces sacrés des bouquets ou des buissons de houx. Ces derniers invitaient et attestaient la présence de Heimdall tout en invoquant la fonction protectrice du dieu.
Accrocher des couronnes ou des bouquets de houx aux portes et dans les espaces sacrés revenait donc à confier symboliquement au dieu Heimdall la garde de ces espaces. Il protégeait le monde humain – symbolisé par la maison – de l’extérieur transformé pendant l’hiver en un monde sombre, hostile et terrifiant, terrain de jeu des puissances maléfiques.
La forme circulaire de la couronne de houx n’est pas non plus anodine. On reconnaît dans ce cercle le cycle infini des saisons, un symbole de recommencent, de renaissance et, de fait, une forme rassurante. Elle lie étroitement la récurrence de la mort du Roi Houx et la renaissance favorisée par le dieu Heimdall, intercesseur entre la vie et la mort.
La chrétienté s’appropria aisément cette tradition (la chrétienté est une sorte de coucou. L’oiseau pas le geste) et entreprit de placer quatre bougies sur les couronnes. Chaque dimanche précédant Noël, les habitants allumait une des bougies annonçant la renaissance de la lumière, l’arrivée du Sauveur en loques le 25 décembre et signalant leur affection pour une forme de pyromanie passive.
- CONTON J., L'Ogham celtique ou le symbolisme des arbres - L'oracle des druides, éditions Mémoire du Monde, 2014
- DUMEZIL G., Mythes et dieux de la Scandinavie ancienne, Gallimard, Paris, 2016
- UELTSCHI K., Histoire véridique du Père Noël, du traineau à la hotte, Imago, Paris, 2012
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