Comment le Père Noël parvient-il à faire loger des milliards de cadeaux dans sa hotte ? Sont-ce seulement des cadeaux ? Réponse ici.

Notons d’abord que la hotte, aussi mystérieuse soit-elle, est parfois remplacée par un traineau ou un chariot. Sans être un hasard, ce détail n’est pas particulièrement rassurant quant à la vocation première de la hotte ou à celle de celui qui la porte. Car dans les traditions païennes préchrétiennes et chrétiennes, les personnages chargés d’une hotte sont loin d’être de bonne compagnie.

Cette hotte et son traîneau sont approuvés par Marty McFly
Cette hotte et son traîneau sont approuvés par Marty McFly.

Gargan, épithète probable de l’Hercule gaulois, célèbre pour avoir donner son nom au rabelaisien Gargantua est un porteur de hotte notoire. Or, son nom signifie « avaler », « dévorer ». Et l’affable Gargan de se rassasier d’humains disposés à son attention dans des hottes d’osier.

Le sautillant Arlequin, masqué de noir et vêtu d’un costume multicolore rapiécé, personnage emblématique de la Commedia dell’arte, porte régulièrement une hotte dans son dos. Que contient cette hotte ? Un choix savoureux d’enfants ou d’âmes de défunts. Le masque d’Arlequin, sa physionomie bariolée, son allure bondissante et délirante font de lui un personnage impossible à maîtriser et dont les racines remontent jusqu’à celles… du diable.

À l'instar du Père Noël, le diable porte une hotte. Mais dans celle-ci on trouve en lieu et place des jolis paquets, les âmes qu'il vient de moissonner, direction l’Enfer. Le portail de la cathédrale de Fribourg en Suisse nous offre une inquiétante représentation sculptée de cette perspective peu réjouissante.

Le diable entraînant après lui et dans sa hotte de bien tristes sires. Portail de la cathédrale Saint Nicolas de Fribourg, XVe siècle, Suisse © Alain Michot 

Arlequin et le Diable ont tous deux vocation à récupérer sur terre les âmes terrestres pour mener les meilleures d’entre elles dans un Enfer étouffant aux ébaudissements aussi inventifs que régulièrement  renouvelés.

Le Diable et son BFF (Best Friend Forever) Arlequin © Radio ca'Foscari
Le Diable et son BFF (Best Friend Forever) Arlequin © Radio ca'Foscari

Quel lien unit le Père Noël à ces joyeux drilles ? Au premier abord, la démarche du Père Noël semble parfaitement inverse à celle du Diable et d’Arlequin : le Père Noël rétribue justement les enfants sages en leur offrant des cadeaux et des friandises et son trajet retransmis en direct sur Google Map est la preuve criante qu’il n’a rien à cacher.

Pourtant, si sa vocation professionnelle n’est pétrie que de gentillesse, c’est qu’il a pu déléguer les tâches ingrates à son pendant maléfique, le Père Fouettard. Chargé de la basse besogne, l’acariâtre bonhomme va punissant les enfants turbulents à coups de martinet, de bâton ou de gourdin (dont la menace suffit à obtenir le calme à la veille de Noël, quoi qu’en disent les tenant de toutes sortes de pédagogies modernes). Or le bâton, le gourdin et ce bâton enrichi qu’est le martinet, sont aussi les attributs du Diable, d’Arlequin et de l’Hercule gaulois. Les trois personnages portant hotte.

Alors, la hotte apparaît ici comme un motif eschatologique, à savoir un motif intègrant un ensemble de croyances relatif au sort ultime de l’homme après sa mort. Cette hotte – si l’on simplifie un peu – fait le lien entre le monde des humains et celui des morts, entre la vie et la mort.

À Noël, la hotte porte la promesse de ces deux possibilités, l’une portant à se réjouir, la seconde portant à rédiger son testament. Lorsqu’elle apparaît à des yeux anxieux sur le dos du jumeau maléfique du Père Noël, la bamboche est terminée – dans ce qu’elle a de terrestre du moins.

Dans le cas où elle est le fardeau d’un riant vieillard, la hotte offre une promesse de résurrection, de lumière, de cadeaux : vivre un peu plus longtemps que ne durera cet hiver puisant dans les ressources vitales.

Note également que le matériau dans lequel est tressé la hotte n’a rien d’anodin. Ordinairement faites d’osier, elle est un écho à la corne d’abondance, promettant des lendemains joyeux et repus. Le symbole est rassurant et laisse entrevoir le retour apaisant de la belle saison (la résurrection de la nature et, in fine, de la nourriture). Pourtant, si la hotte est mêmement l’attribut lugubre des personnages les plus néfastes, il ne s’agit ni plus ni moins que de rappeler qu’aux alentours du solstice d’hiver, les beaux jours ne sont qu’un lointain souvenir. Si le printemps et la vie reviennent sans fin, c’est aussi le cas de l’hiver et de la mort.

  • d'Arbois de Jubainville Henri. Gargantua, essai de mythologie celtique, par H. Gaidoz.. In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1868, tome 29. pp. 636-637.
  • UELTSCHI K., Histoire véridique du Père Noël, du traineau à la hotte, Imago, Paris, 2012