Les allées d'IKEA à Noël regorgent de ces adorables petites créatures. Rapide histoire de ces caprins scandinaves suppôts de Satan.
Dans les pays scandinaves, la confection de ces petits boucs nommés julbock ou julebukk est une coutume encore bien vivace. Traditionnellement en paille, ils peuvent aujourd’hui être en bois, en fils de laine et pour les feignasses pas foutues de faire quoi que ce soit de leurs dix doigts, en plastique ce qui pourrit notoirement le groove de Noël.
Cette charmante tradition – des chèvres, pas des polymères – remonte à l’ère préchrétienne, glorieuse époque où les boucs allaient fièrement aux côtés du dieu Thor. Ce dernier, parfois identifié comme « le seigneur des boucs » ne s’offusquait aucunement de cet épithète de bonhomme, épithète virile s’il en est, sujet de fierté plutôt que d’une quelconque allusion à une fragrance corporelle désagréable. Le dieu portait également la charge de dieu du Tonnerre et de l’Orage, un détail important que je te prie de bien vouloir noter. Devait-il cela à ce cumule de charges, nul ne saurait le dire mais le dieu Thor était considéré comme le plus fort de tous les dieux.
Puisque l’orage et le tonnerre apportaient la pluie, comme ils le font toujours aujourd’hui, Thor était également associé à la fertilité. Ce titre indispensable à tout panthéon polythéiste faisait sa fierté – une de plus – car Thor n’avait pas le triomphe modeste.
Il allait donc de-ci de-là dans le ciel, sur son char des précipitations (un nom de bagnole à faire se pâmer un présentateur météo), lequel char était tiré par Tanngnjost (« qui fait grincer des dents ») et Tanngrisner (« qui montre ses dents »), deux boucs régurgités et ressuscités par le dieu après que ce dernier les ai mangés à la table d’affables paysans lui ayant offert le gîte.
On appréciera ce peu de considération pour cette maladie qu’est l’anorexie ; les dieux, malgré des dérangements psychologiques notoires, n’ont cure de ce genre de troubles alimentaires et les utilisent volontiers pour leur communication personnelle.
Dans la mythologie nordique, le bouc ou la chèvre (disons les caprins) portent une véritable symbolique nourricière. Le fait que les boucs de Thor soient ressuscités après avoir été dévorés par le dieu sous-entend qu’ils peuvent servir indéfiniment de nourriture.
Toujours dans la mythologie nordique, un autre caprin se voyait si bien honoré qu’un chrétien prosélyte n’aurait pas longtemps supporté ce spectacle. La chèvre Heidhrún faisait l’objet d’un profond respect car ses pis fournissaient – disait-on – l’hydromel servi par les Valkyries aux Einherjar, ces guerriers morts l’arme à la main, réunis autour du dieu Odhinn et chaque jour ressuscités pour combattre sur le champs d’une bataille éternelle.
La petite chèvre julebukk puise ainsi largement dans la symbolique des divins caprins autant qu’elle est intimement liée à l’esprit de la nature. Cet esprit bienfaisant précisément invoqué par des offrandes au moment de la fête de Yule, la fête coïncidant avec le solstice d’hiver. Elle était l’occasion de célébrer Thor et Odhinn, deux dieux de la fertilité, notoirement amis des chèvres et de l’espèce caprine en général.
Les julebukk tressés en paille de blé liaient ainsi littéralement les restes de la récolte estivale à la symbolique de fertilité portée par les boucs et les chèvres de la mythologie nordique. Une symbolique également attachée aux deux puissants Thor et Odhinn.
Ces objets matérialisaient et symbolisaient ainsi le vœu et l’espoir de voir revenir les récoltes abondantes, la fertilité et les bienfaits de la nature après le sombre hiver, aussi froid que rigoureux.
- GUNNEL T., The Origins of Drama in Scandinavia, D.S. Brewer, 1995
- MABIRE J., Légendes de la Mythologie nordique, Éditions l’Ancre de Marine, 2010
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