En Russie et en Ukraine, Noël n’a pas lieu en même temps que nous puisque le calendrier orthodoxe fixa la date de l’arrivée de Jésus dans la nuit du 6 au 7 janvier. À cette occasion, les adultes et les enfants chrétiens orthodoxes donnent de la voix pour exprimer leur reconnaissance envers Jésus grâce à qui ils se verront offrir le dernier iPhone.

La tradition veut que petits et grands se réunissent en groupe et passent méticuleusement dans chaque maison pour chanter en cœur systématiquement la même chanson. Une activité probablement sympathique dans les villages de moins de 5 habitants mais qui doit rapidement tourner à la transe collective dans une mégalopole de type Moscou. Car la chorale formée pour l’occasion ne se contente pas de chanter un petit couplé et de passer à la maison suivante, naaaaannn. Les joyeux et pieux lurons chantent puis récitent des prières. Et alors qu’on croit en voir la fin, les voilà qui refusent de quitter les lieux sans avoir été nourris et abreuvés. Joie.

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Pire qu'une armée de zombies, de pieux orthodoxes souvent beurrés à la vodka frapperont bientôt à ta porte.

La chorale part d’abord de l’église puis passe au cimetière (la maxime « repose en paix » n’a jamais aussi mal porté son nom) avant de se rendre chez le curé. Le groupe se divise ensuite en deux puis s’en va frapper à toutes les portes, en pleine nuit (rien à foutre de rien) et entre avec ses chaussures dégueulasses et pleines de neige dans ton 20m2 couvert de moquette, refusant de fermer la porte tant que ton domicile n’est pas plein à craquer. Une fois que ton salon t’évoque une heure de pointe à Châtelet-les-Halles, tout ce beau monde se met à entonner une koliada, ancienne chanson païenne célébrant les forces de la nature mais ayant absorbé des motifs chrétiens.

Cela pourrait-il être pire ? Bien sûr. Voici s’approcher un gamin armé d’une perche au bout de laquelle gigote une étoile décorée de clochettes, de lumière et de guirlandes. Avec une assiduité que ses parents aimeraient lui voir en classe, l’enfant se proposera de te remuer précisément à hauteur de ta tête la dite perche étoilée pendant les 25 longues minutes que dureront les chants. Loin de toi l’idée de botter le train des chanteurs car ne pas les recevoir est considéré comme un péché.

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Les costumes nationaux de l'Ukraine sur des timbres postes et la fameuse étoile slaavique au bout de son bâton. Image non contractuelle en matière numéraire c'est évident.

Les chrétiens orthodoxes nomment cette étoile, bel objet détourné par la main enfantine en insupportable accessoire de torture, « l’étoile slaavique ». Elle est tout l’objet de cette promenade hivernale puisqu’elle est assimilée à l’étoile de Bethléem qui guida les rois mages vers le Sauveur. L’étoile doit être la première à entrer dans la maison et on remarquera qu’elle porte tous les attributs issus des traditions païennes liées au solstice d’hiver : la clochette annonciatrice d’évènements ou de personnages hors du commun, la lumière que l’on espère revoir après cette période lugubre de l’hiver et les guirlandes, d’ordinaire végétales, qui doivent attester de la force de la vie sur la mort et du retour certain de la végétation qui assurera la survie des hommes. Sans compter que la joyeuse bande fait passer l’étoile dans le cimetière avant de se rendre chez toi.

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Étoile kolędnik polonaise, 1937. La Pologne ne fut pas épargnée par cette tradition slave.

Cette étoile et les chants qui l’accompagnent ne sont ni plus ni moins que les symboles du retour de la vie, de la lumière après la mort et les ténèbres. Cette visite bruyante et envahissante part donc d’un bon sentiment, raison pour laquelle la tradition perdure, que chaque habitant s’efforçant d’acceuillir le plus chaleureusement possible les chorales et son étoile.

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Étoile slaavique utilisée lors du Noël orthodoxe.
  • http://www.ankn.uaf.edu
  • http://expositions.nlr.ru/eng