De l’autre côté de l’Atlantique, la religion catholique s'imposa avec une douceur toute relative. En remerciement aujourd'hui de cette tolérance mêlée à la fois de tact et d'humanisme dont firent preuve les Conquistadores, les Mexicains rendent aujourd'hui à Jésus ce qui appartient à Jésus : des coups dans sa face.

Avant l’arrivée de hordes d’évangélisateurs tolérants et attentifs aux cultures du Nouveau Monde, les Mexicas et Aztèques fêtaient l’ascension de leur dieu principal : Huitzilopochtli. Ce dernier, dont la correcte prononciation du nom était déjà une marque de respect, était le dieu de la Guerre et du Soleil ainsi que celui des morts. Il avait tout à voir avec la renaissance et était célébré entre le 7 et le 26 décembre, au moment donc du solstice d’hiver.

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Huitzilopochtli, Codex Borgia, Bibliothèque du Vatican © FAMSI

Confronté à une aussi heureuse coïncidence de dates, le père Fray Diego de Soria surexcité comme un communiant devant une hostie demanda à son boss le Pape Sixte V (1585 – 1590) l’autorisation de fêter neuf messes avant Noël afin de remplacer les anciennes festivités païennes par une attente émue de la naissance du Christ. La proposition fut évidemment acceptée. Rapidement, le puissant Huitzilopochtli se fit déloger par un petit blanc né dans du foin. On nomma ces neufs jours et neuf messes les posadas.

Avant l’arrivée de intégristes catholiques, un objet très célèbre était attaché à la célébration de Huitzilopochtli et fut maintenu alors même que la religion chrétienne avait pris le dessus : il s’agit de la piñata. À l’origine, la piñata n’était rien d’autre qu’un petit pot d’argile rempli de libations et décoré de plumes. Il était ensuite brisé à coup de bâton pour répandre ses offrandes sur le temple du dieu. Le pot symbolisait la Terre tandis que les libations incarnaient ses richesses naturelles. Même pour le premier venu de l’autre côté de l’Atlantique, le lien entre solstice d’hiver, renaissance de la lumière et de la vie et retour des végétaux apparaissait avec évidence.

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Piñata de Noël, Mexique.
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Jésus visiblement content du sort qui lui est réservé © Trevorhale

Malgré son caractère païen, la pratique des piñata fut conservée mais tout de même remodelée par les Catholiques qui y virent l’occasion de faire passer moins brutalement (haha) la pilule du dieu unique. Aujourd’hui il est admis que la sphère centrale représente la Terre et les sept piques, les sept péchés capitaux. Ces derniers sont de couleurs vives et réalisés dans des matières brillantes pour les rendre aussi attirants que le péché. Puisque Jésus arrive sur Terre sous la forme du « divin enfant », seul un enfant armé d’un bâton peut venir à bout de la piñata qui, une fois brisée, laisse se répandre sur le monde des flots de bonbons à base de gélatine de porc bonnes actions.

Néanmoins, les Mexicains ne manquant ni de ferveur religieuse ni d’humour réalisent régulièrement des piñata en forme de Jésus. En rendant à Jésus les coups que les Mexicas – et bien d’autres – reçurent pour qu’ils finissent par croire en lui. Mexique : 1 / Jésus : 0.

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