Un Objet de Musée en 2 Minutes

Au premier étage du musée d’Angoulême, dans la salle réservée aux arts océaniens, est présentée une massue maori (patu) en bois de forme wahaika ; la forme courbe de cette massue, à la fois arme et insigne de pouvoir, était conçue pour le combat rapproché et permettait d’éclater le mec en face en particulier si les coups étaient amicalement portés à la tempe. Parfois, une entaille pratiquée dans la partie inférieure de la massue pour permettre – selon la dextérité du propriétaire – de s’emparer de l’arme de l’adversaire.  Or, ces patu maori sont des objets tapu « sacrés » comme en témoigne la petite figure anthropomorphe de tiki sculptée sur le manche ; ce personnage moitié homme moitié divinité qui, dans la culture maorie, figure l’ancêtre de tous les hommes.

Massue « patu » Wahaika du Musée d’Angoulême
Premier étage, arts océaniens
Nouvelle-Zélande (Aoétaroa)
XIXe / XXe siècle

 

Les objets tapu sont à mettre en lien avec le pouvoir, ils confèrent à leur possesseur un véritable prestige mais également de lourdes responsabilités. Si les objets comme la massue peuvent être tapu, certaines personnes le sont de naissance. Ces personnes tapu forment une sorte d’aristocratie au sein de la société maori. Pourtant, certains évènements ou actions de la vie d’un individu peuvent rendre ce dernier davantage tapu qu’il ne l’est d’ordinaire, une sorte de version augmentée de lui-même. Une femme donnant naissance à un enfant, un guerrier faisant preuve de bravoure ou plus étonnement un sculpteur peuvent se voir attribuer une charge supplémentaire de tapu.

La sculpture maorie – majoritairement sur bois – étant un art qui confère au sacré, sa création est attribuée aux dieux. Un sculpteur maori possède ainsi une position sociale équivalente à celle d’un prêtre ; son art peut être dangereux et ses erreurs néfastes. Les objets qu’il créé sont donc imprégnés de cette essence divine et potentiellement menaçante qui fait autorité.

Ainsi, une sculpture de tiki, figure hautement divine qui investit les personnes et les objets de tapu et de mana (concept exprimant la continuité, liant les ancêtres aux vivants. Le mana est étroitement lié au pouvoir) est une manière de rendre visible l’inintelligible, d’unir directement le divin et le possesseur. La sculpture confère donc au propriétaire l’autorité et la force de l’ancêtre mythologique tiki. Posséder une massue comme celle présentée au musée d’Angoulême, c’est attester et justifier du pouvoir d’un homme sur les autres mais c’est aussi lui déléguer un rôle protecteur équivalent à celui d’une divinité. Fonction périlleuse donc que celle du sculpteur nécessitant soit un égo démesuré soit une humilité à toute épreuve.