Pourquoi mettons-nous nos chaussures au pied du sapin ? Pourquoi les Anglais préfèrent-ils accrocher des chaussettes à leur cheminée ? Quel rapport existent-ils entre ce que nous mettons à nos pieds et Noël ? Questions existentielles auxquelles je me propose de répondre.

Histoire des chaussettes de Noël © Mariner Guesthouse
Histoire des chaussettes de Noël © Mariner Guesthouse

Qu’il s’agisse de chaussures ou de chaussettes, il se trouve que nous suivons tous la même tradition. Les chaussures, sandales et chaussettes sont liées au déplacement ; un fait que seul un pacha transporté de palais en palais sur un palanquin serait à même d’ignorer. Il ne s’agit pourtant pas d’envisager uniquement les ordinaires déplacements géographiques. Les chaussures (et chaussettes que l’on doit considérer ici comme assimilées) sont régulièrement utilisées comme un moyen de se déplacer aisément d’un monde à un autre.

Dans des contes qui nous sont aussi familiers que Le Petit Poucet ou Le Chat Botté, les bottes magiques s’adaptent à la pointure de celui qui les enfile sans que cela n’éveille la surprise de personne. Dans tous les cas où ces merveilleuses chausses sont utilisées, leur usage peut s’avérer tout aussi bénéfique que néfaste.
En l’occurence dans ces deux contes, les bottes sont d’abord portées par un ogre (le personnage négatif) puis volées ou offertes au héros qui est d’abord présenté comme faible et pauvre (le Petit Poucet) ou inutile (le Chat Botté) mais dont l’audace, l’intelligence et le courage vont finalement faire de lui le bienfaiteur de ses proches. Les bottes sont les intermédiaires entre le bon et la brute (et le truand), entre le mal et le bien.

Les chaussures de quitter la pauvreté pour accéder à la richesse. Leur rôle est patent dans Le Chat Botté ou Cendrillon, qui passe du statut de boniche à celui de princesse grâce aux pantoufles de vair.

S.H. Modèle de bas de Noël en coton lithographié Howe NY 1889 © Rubylane

S.H. Modèle de bas de Noël en coton lithographié Howe NY 1889 © Rubylane

Le message véhiculés par les grandes marques pour vendre leurs chaussures n’est pas différent. Nike se propose même d’augmenter les performances de ses clients : Just do it (Fais-le, sous-entendant qu’il ne s’agit plus d’une question de moyens ou d’équipement mais seulement de volonté personnelle).

On retrouve cet aspect magique des chaussures dans une légende plusieurs fois remaniée mais dont le fond demeure identique.

Un jour, en passant devant une maison, Saint Nicolas (coucou le Père Noël de l’est de la France) aperçoit trois jeunes sœurs très pauvres n’ayant pas de dot et ne pouvant faire de mariage convenable [ce qui est la grosse loose à l’époque ndla]. Attristé de cette situation parce que ce tocard de Père Noël pensait lui aussi que les femmes étaient moins dangereuses une fois mariées, il jeta chez elles des pièces d’or qui tombèrent dans leurs bas qui séchaient au-dessus de la cheminée. À leur réveil, elles découvrirent l’argent dans leurs chaussettes et purent ainsi se vendre à un prix convenable comme il était d’usage à l’époque. La rumeur se répandit et chacun prit l’habitude de disposer ses chaussettes près de la cheminée dans l’espoir d’y trouver quelque chose le lendemain matin.

L’expression du « bas de laine » employée en synonyme d’économies que l’on possède est révélateur du lien entre la symbolique de la chaussure ou de la  chaussette et de la richesse.

Histoire des chaussettes de Noël © Pinterest

L’espoir de voir le vide remplacé par l’abondance aussi soudainement que miraculeusement peut facilement être mis en parallèle avec la crainte de ne jamais voir repousser la nature et, avec elle, les récoltes nourricières. Trouver à son réveil l’abondance confortable lorsque la veille au soir, la disette menaçait le quotidien, cela a naturellement quelque chose de rassurant et agit comme un bon présage. En plaçant symboliquement une forme d’abondance dans des chaussures ou des chaussettes, on espère que le déplacement qui leur est associé agira à plus grande échelle dans la réalité, en encourageant le déplacement du temps de la saison morte à celle prometteuse de la renaissance de la nature.

  • CHARRIERE Georges. Du social au sacré dans les contes de Perrault. In: Revue de l'histoire des religions, tome 197, n°2, 1980. pp. 159-189
  • UELTSCHI K., Histoire véridique du Père Noël, du traineau à la hotte, Imago, Paris, 2012