L'intemporalité du poison tient à peu de choses : le meurtrier a toujours un coup d’avance, coup souvent fatal ne souffrant pas de réplique. Car lorsqu'on ignore de quoi on va mourir, on ne se déplace jamais avec le bon antidote sur soi.

Coupe ovale en agate, entrée dans la collection du cardinal Mazarin et puis dans celle de Louis XIV – Paris, vers 1650. © RMN / Daniel Arnaudet, 1993
Coupe ovale en agate, entrée dans la collection du cardinal Mazarin et puis dans celle de Louis XIV – Paris, vers 1650. © RMN / Daniel Arnaudet, 1993

La connaissance de la fourberie humaine n’a pas besoin d’enseignement. Chacun l’éprouve suffisamment tôt en son jeune âge pour acquérir une conscience aigüe de toutes les délicieuses qualités de l’âme humaine : jalousie, avidité et mesquinerie ne sont que des exemples parmi d’autres formant le catalogue étoffé des spécificités de cette race bipède et bruyante.

Connaissant leur prochain comme eux-mêmes, les hommes eurent tôt fait d’envisager les pires crasses dont étaient capables leurs congénères. Se prémunir d’une attaque au poison, à la fois fourbe et inopinée, compta sans doute parmi les priorités dès que Sapiens fut en mesure de s’essayer à la chimie végétale. Poisons et antidotes n’en étaient alors qu’aux soubresauts d’une activité aussi fumeuse que lucrative. Car bien souvent si la malheureuse victime ne mourrait pas du poison, elle succombait de son remède dont les qualités curatives étaient au mieux inefficaces, au pire létales.

Cet hommage ému aux victimes ne dissimulera pourtant pas une certaine indifférence quant au souvenir de leurs corps convulsant dans d’atroces et interminables souffrances. Non, car ces pauvres diables ont indirectement permis à nos yeux contemporains et nos âmes sous anxiolytiques de jouir du souvenir compassé de ces étranges mœurs dans ce qu’elles nous transmirent de plus beau : les coupes en pierres dures et fines.

Poisons et antidotes : bonnet blanc et blanc bonnet

Je te sais indifférent au contenant de ton sirop ou de ton vaccin. L’essentiel pour toi est bien le contenu. Les générations qui te précédèrent ne furent pas toutes de cet avis. Le lapidaire astrologique grec Damigeron Evax par exemple ne néglige pas les minéraux et entend les considérer comme autant de Dolipranes susceptibles d’efficacité, donnant ainsi une idée de l’utilisation des pierres et des gemmes à visées thérapeutiques durant l’Antiquité et le Haut Moyen-Âge.

À l’instar de la pensée indienne et chinoise, ce texte très ancien (si je ne te donne pas de date, c’est que nous n’avons pas de datation) propose une réflexion sur l’interdépendance des différents éléments du cosmos et leur répercussions sur le corps et la psyché humaine.

Il allait alors de soi que les planètes et les astres étaient reliés à différents endroits de la Terre aussi bien qu’aux animaux, plantes et pierres ainsi qu’à différentes parties spécifiques du corps humain. Qu’en déduisait-on ? Et bien qu’un déséquilibre quelconque des forces astrales trouverait invariablement un écho dans le corps humain. Expliquant le mal et livrant par cette logique implacable les secrets d’une bonne guérison.

Nef en cristal de roche et or par Giovanni Ambrogio Miseroni, Italie (Milan), 1550-1575. Collection du Grand Dauphin (1661-1711) © Museo Nacional del Prado
Nef en cristal de roche et or par Giovanni Ambrogio Miseroni, Italie (Milan), 1550-1575. Collection du Grand Dauphin (1661-1711) © Museo Nacional del Prado

Car le déséquilibre malin ne pouvait résister à la puissance d’un équilibre habilement rétabli par la sagesse érudite d’un spécialiste de la lecture universelle des éléments. L’homme de science appelé à l’aide pour guérir quelque mal employait selon le déséquilibre déceler un ou plus des trois règnes animal, végétal et minéral. Ces considérations sérieusement établies prenaient forme dans la conception d’une amulette. Dans le cas des pierres et des gemmes, il est à noter qu’une pierre pouvait être rendue plus efficace en la gravant – à l’effigie d’un dieu par exemple.

L’Antiquité ne fut pas avare de lapidaires, preuve d’un succès certain contredisant ta première intuition. Citons celui de Théophraste (- 371 – – 288 av. J.C.), celui des Cyranides (dont la rédaction s’étire du Ier au IVe siècle), ou encore celui de Pline l’Ancien (23 – 79). Une pratique aussi peu fantaisiste qu’elle était maîtrisée par la crème des païens les plus remarquables de ces époques anciennes. La réaction épidermique de la chrétienté à tout ce qui était assimilé au polythéisme eut laisser penser qu’elle ferait une pelletée de cette caillasse médicinale pour en lapider le premier hérétique venu. Il n’en fut rien. Au XIe siècle, lapidaires et médecine retrouvent le frisson de leurs ébats d’antan.

Une fois revenus sur le devant de la scène, les lapidaires devinrent une partie intrinsèque des manuscrits médicaux, preuve que les pierres étaient un élément essentiel de la pharmacie et de la thérapie médiévale. Cette dernière fut bien vite acceptée comme science médiévale ce qui n’empêcha pas les professionnels de la médecine d’ajouter et de retirer des noms de la liste de leurs lapidaires selon les résultats qu’ils obtenaient sur leurs cobayes patients.

Coupe en sardoine d'Iraq datée du IXe siècle. Monture est datée de 1665. Collection e Louis XIV © RMN / Daniel Arnaudet, 1997

De nouveaux spécialistes du domaine imposèrent leur science avec autant d’aplomb qu’un platiste défendant la théorie d’une Terre à angles droits. Parmi ces grands noms des cailloux médiévaux, il en est quelques-uns qui marquèrent leur temps.

Citons l’inénarrable Marbode de Rennes (1035 – 1123) théologien bénédictin et évêque de … Rennes (c’était facile) donna dans le recensement de roches miraculeuses dans son Liber Lapidum Seu Gemmis. Ouvrage dont il ne précisa pas qu’il puisait généreusement dans le Damigeron Evax.

La bibliothèque de l’université de Rennes I possède un précieux exemplaire de ce manuscrit de 60 strophes dont chacune s’occupe des spécificité d’une pierre. Néanmoins, la connaissance restreinte des pierres dures et des gemmes au Moyen-Âge limite le nombre des pierres citées à une quinzaine que étant effectivement accessible sur le marché médiéval. Parfois certaines pierres sont citées sous deux noms différents sans même parler des « pierres » d’origine animale comme les perles ou l’alectoire, une concrétion pierreuse (un bézoard) qu’on prendra soin de chercher dans les entrailles des coqs. La récolte est peu ragoutante mais le fruit plein de promesse puisque la pierre miraculeuse est sensée étancher la soif – d’eau uniquement. Rien n’indique que cette concrétion aviaire opère pour vaincre l’alcoolisme.

Nombreuses sont les pierres citées dans l'ouvrage de Marbode : le diamant, l’agate, le jaspe, le saphir, la calcédoine, l’émeraude, le lapis hématite, la sardoine, l’onyx, la hyacinthe, l’améthyste, le corail, la cornaline ou encore le cristal (de roche). Certaines pierres comme la ligure, l’échite ou la céraune prêtent à confusion mais possèdent des propriétés véritablement extraordinaires.

Coupe en cornaline, or et émail. Collection du Grand Dauphin (1661-1711) © Museo Nacional del Prado

Les propriétés de l’échite sont proprement renversantes puisqu’elle permet de repérer le félon qui en veut à ta vie :

Si vous craignez un jour qu’on ne vous empoisonne,
Pour éprouver celui que votre peur soupçonne,
Vous lui ferez-servir un mets bien délicat;
Vous glisserez d’abord l’échite sous le plat :
Si vos soupçons sont vrais, en efforts inutiles
Du traître s’useront les mâchoires stériles;
Il ne pourra pas même avaler un morceau.
Puis, retirez la pierre : artifice nouveau !
Le convive affamé, mange sans résistance.

Il est bien dommage qu’on ait absolument aucune idée de ce qu’est cette pierre aujourd’hui. Elle eut été d’une excellente utilité dans bien des situations de la vie quotidienne.

Pourtant, Marbode ne se veut pas avare de détails et s’attache dans chacune des strophes à décrire les propriétés curatives ou protectrices des pierres qu’il étudie, leur couleur ainsi que l’endroit ou les trouver. De là à en conclure que Marbode était certainement du genre casanier, il n’y a qu’un pas. Car l’érudit rennais préfère entretenir un certain flou plutôt que de reconnaître qu’il ne sait foutre rien de l’endroit où se dénichent ces pierres. Ne renonçant pas à l’exercice, il propose d’aller chercher la fameuse échite « cachée aux bords de l’Océan, 
dans l’aire des aiglons, dans le pays Persan ». Plus que tout autre, Marbode aurait eu l’usage de Waze.

Pourtant, cela ne bouleverse pas ses lecteurs assidus qui se recommandent chaleureusement le savant ouvrage qui devient un incontournable de l’étude de la médecine, au moins jusqu’au XVIe siècle.

Coupe en jaspe, monture en or, rubis et perles. Dernier quart du XVIe siècle, pièce issue de l'atelier des Sarachi à Milan. © RMN / Daniel Arnaudet, 1996
Coupe en jaspe, monture en or, rubis et perles. Dernier quart du XVIe siècle, pièce issue de l'atelier des Sarachi à Milan. © RMN / Daniel Arnaudet, 1996
Coupe en sardoine datant de l'antiquité greco-romaine. Monture créée à Rome, milieu du XVIIe siècle. © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Stéphane Maréchalle
Coupe en sardoine datant de l'antiquité greco-romaine. Monture créée à Rome, milieu du XVIIe siècle. © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Stéphane Maréchalle

Dans la même veine, la bénédictine Hildegarde de Bingen (1098 – 1179) s’enticha elle-aussi de la rédaction d’un lapidaire. Autant elle brilla dans la rédaction de son ouvrage botanique, autant celui-ci ne fut pas une réussite éclatante. Arguant que ses visions lui auraient dictée les propriétés thérapeutiques des pierres dures et précieuses, on excusera à cette docteure de l’Église cette phase sous acides où elle tape le bout de gras avec des cailloux.

Pourtant, son travail sur ce sujet, aussi médiocre soit-il, témoigne aussi bien que celui des ses « confères » de l’importance des lapidaires au Moyen-Âge – dès le XIe siècle en l’occurrence – et in fine, de l’importance des pierres dans la thérapeutique médiévale.

C’est une chose d’identifier, de connaître et de préconiser l’emploi de tel ou tel gemme pour soigner une maladie, encore faut-il être capable d’en déterminer la posologie.

Vase en sardoine Xe - XIe siècle. Pied daté du XVIe siècle, monture en or émaillé attribuée à Richard Toutain le jeune, Paris, vers 1570. Ancienne collection du cardinal Mazarin. © RMN / Daniel Arnaudet, 1993
Vase en sardoine Xe - XIe siècle. Pied daté du XVIe siècle, monture en or émaillé attribuée à Richard Toutain le jeune, Paris, vers 1570. Ancienne collection du cardinal Mazarin. © RMN / Daniel Arnaudet, 1993

Bien souvent, les remèdes sont administrés sous forme de poudre. Et c’est ainsi qu’en 1534 le pape Clément VII (1478 – 1534) avala en l’espace de deux semaines pour 40 000 ducats de pierres précieuses réduites en poudre. Chaque dose valait 3000 ducats d’or. Sachant qu’une dot paysanne chiffrait en moyenne entre 3 et 6 ducats en 1459, je te laisse le soin de faire le calcul, mais l’homéopathie papale pesait l’équivalent d’un paquet d’hyménées paysans.

Sans que cela n’étonne pas ta sagacité moderne, le remède n’empêcha pas le pape de mourir. Mourra-t-il plus heureux l’estomac ressemblant à une vitrine de la Place Vendôme ? Hélas, il mourut sans le préciser.

Les pierres dures et la médecine approximative

La correspondance entre une pierre et une maladie, une infection ou une partie du corps se faisait ordinairement par sa couleur. Sur le principe grec similia similibus curantur (la guérison par les semblables), les pierres guérissaient les organes dont elles avaient la couleur. Ce qui signifie qu’un enfant de 4 ans normalement constitué pouvait devenir médecin.

Pour éviter une telle incurie, chaque pierre possédait des vertus plus ou moins apotropaïques et de fait une dimension magico-thérapeutique sans doute liée à sa rareté. Tout ce qui est rare est précieux et forcément un peu magique. Les lapidaires sont là pour en témoigner.

Les pierres dures et pierres précieuses au demeurant thérapeutiques portent ainsi souvent une valeur symbolique et préventive forte. Il était dès lors impossible de douter de la capacité de certaines d’entre elles à détecter le poison, voire même à le neutraliser !
Hélas, au prix où se négociaient les cailloux, le bas peuple n’ingurgitait pas à l’envie de la poudre de pierre précieuse à chaque repas, juste au cas où l’envie aurait pris la boniche d’empoisonner le gratin.
Quel soulagement donc de savoir que les pierres – les médecins et Marbode l’affirmaient – fonctionnaient aussi en talisman, et tout particulièrement si la pierre était enchâssée dans une monture d’or ou d’argent. La pratique flirtait certes avec la sorcellerie mais qui sommes-nous pour juger, nous (moi non mais toi oui) qui abusons des filtres à selfies licornes ?

Le "pouvoir" des pierres par simple contact était reconnu des Grecs, des Arabes, des Égyptiens ainsi que des Chinois et des Indiens. Inutile donc de gaspiller un Golconde façon sucre glace. Le toucher pouvait suffire à régler bien des maux.

Diamant « Arcot II », 17,21 carats. Inde, Golconde. Fin XVIIIème, modifié en 1959 et en 2011. Collection Al Thani. © Courtesy of the Victoria and Albert museum

Si le contact seul avec la pierre suffisait à se prémunir des âmes malintentionnées, certaines précautions étaient néanmoins indispensables au bon déroulement de la procédure.

Moyennant une confession sincère et pieuse, un jeûne raisonnable et une chasteté aussi optionnelle pour les hommes qu’elle était indispensable pour les femmes, ces dangereuses créatures libidineuse, on pouvait escompter un résultat optimal.

Finalement, la coopération des cailloux tenait à la capacité du plaignant à être ou non un bon chrétien. Car il faut bien reconnaître que cette pratique lapidaire n’était pas d’une pureté toute monothéiste. Il en fallut de peu que la crédibilité chrétienne ne trébucha dans la fange du paganisme le plus décadent. Exiger du patient l’application des principes fondamentaux de la team entièrement dédiée à Jésus n’était qu’une manière à peine voilée d’éviter une désagréable assimilation à ces tarés de Greco-romains. Sachons séparer le bon grain de l’ivraie.

Verseuse en sardoine. Entrée dans la collection de Louis XIV en 1673. © RMN / Daniel Arnaudet, 1993
Verseuse en sardoine. Entrée dans la collection de Louis XIV en 1673. © RMN / Daniel Arnaudet, 1993

Dès lors que ces précautions sont respectées, l’étalage des richesses n’a plus à se justifier : l’ostentation est médicale. Le climat paranoïaque ambiant suscité par des morts aussi soudaines qu’inexpliquées ou bien les empoisonnements à tout va trouve naturellement son pendant rassurant dans l’utilisation des pierres dures et gemmes sous la forme de coupes à boire somptueuses, de nefs de table fabuleuses (coffrets en forme de navire abritant le couvert, la serviette et parfois les épices et assaisonnements des puissants), de bassins et de coupes luxueuses. Si les plus beaux objets en pierres dures exposés dans les musées sont liés à l’art de la table, il ne s’agit donc pas d’une coïncidence.

La peur du poison et de la maladie était apaisée par cette promesse minérale qui dispensait à celui qui en avait l’usage toutes les vertus dont on l’assurait capable. Couplée à une médication en poudre précieuse, l’efficacité de l’objet de table en pierres dures n’était que plus prometteuse.

Peut-être aussi, la rareté des minéraux et la finesse des gemmes attestaient de la richesse de leur propriétaire et dissuadaient le scélérat de s’en prendre à lui. Car si l’heureux propriétaire possédait ces trésors, il possédait sans doute de moyens de riposter – dans le cas bien sûr où il ne mourrait pas. Le propriétaire en attendait tout autant de ne pas trépasser brutalement.

La collection de pierres dures et gemmes de Louis XIV : bling bling ou médecine ?

Durant la seconde moitié du XVIIe siècle, Louis XIV constitua la plus fastueuse collection de pierres dures et de gemmes d’Europe. Il s’appuya en bonne part sur la collection mirifique qu’il racheta à Mazarin en 1665. Cette collection délirante que constitua le Roi Soleil comptait pas moins de 823 gemmes réparties en 446 cristaux et 377 pierres diverses (inventaire de 1713).

Parmi toutes ces merveilles minérales, des gemmes antiques, byzantines, orientales et médiévales côtoyaient des œuvres praguoises, milanaises ou germaniques du XVIe siècle.

Pourtant, le roi ne sembla pas avoir accordé beaucoup de crédit aux pouvoirs que ses contemporains prêtaient aux minéraux. Mais il était bien assez lucide pour ne pas renier la puissance symbolique qui auréolait ces objets. Lors de ses repas auxquels assistait un public de privilégiés, il prenait soin de faire placer la nef royale sur sa table, bien à la vue de tous. Ni l’objet, ni le geste n’étaient ici anodins. Louis XIV, échaudé par les souvenirs de la Fronde, entendait rappeler aux aristocrates tire-au-flanc que l’unique boss du royaume, c’était lui. Au cas où l’un de ces troubles fête tenterait d’attenter à la vie du monarque, la nef – pourtant cadenassée – abritait les serviettes du roi que des larbins touchaient d’une mouillette de pain pour vérifier qu’aucun poison n’y avait été appliqué.

Nef monumentale en lapis lazuli. La nef est une œuvre italienne du XVIe siècle, la monture date des années 1670 © RMN / Daniel Arnaudet, 1993

La médecine traditionnelle du XVIIe siècle ne renie pourtant pas l’emploi de minéraux comme en témoigne le Droguier du Jardin du Roi fondé en 1626 sous Louis XIII et toujours en activité sous le règne de Louis XIV.

Nicolas Lémery (1645 – 1715) – formé auprès de Christophe Glaser (1615 – 1672) chimiste du Jardin du Roi et apothicaire ordinaire de Louis XIV – fut notamment l’auteur du célèbre Dictionnaire universel des drogues simples publié en 1698. Il recensa notamment les minéraux employés dans la pratique courante de la médecine.

On y retrouve précisément les pierres dures et gemmes utilisées pour les objets de la table des princes et des rois depuis l’époque médiévale : le cristal minéral, l’émeraude, le grenat, le lapis hématite, le lapis lazuli, la marcassite, les perles, le rubis, le cinabre ou encore le topaze.

Si ces objets somptueux faits de pierres dures et élégamment rehaussés de gemmes, nous apparaissent aujourd’hui comme les souvenirs anciens de pratiques raffinées, ils n’en demeurent pas moins les témoins d’une époque où la médecine amalgamait – sous couvert de théories fumeuses – science, magie et religion. Une époque où les affections rares et exceptionnelles ne pouvaient trouver de remèdes que dans des soins tout aussi précieux et inhabituels.

La médecine lapidaire perdura longtemps avant d’être un temps mise de côté dans le courant du XIXe siècle, vaincue par les préceptes obtus de la science moderne et occidentale.

C’est au New Age des années 1970 que l’on doit le retour en force de ces pratiques. Si les avis sont partagés quant à l’efficacité des minéraux dans la thérapeutique, cette pratique dont on redécouvre certains bienfaits pâtit pourtant des supputations aussi hasardeuses que détraquées d’un nombre considérable de guru en sarouel. Tout le monde n’a pas le talent de Louis XIV pour allier faste et crédibilité.

Coupe en agate (pierre taillée à la fin XIVe / début XVe. Monture en or émaillée datant de 1571 © RMN / Daniel Arnaudet, 1993
Cuvette en sardoine, monture en or. Le bassin en sardoine est un travail byzantin du Xe ou XIe siècle. La monture en or date du XVIe siècle. © RMN / Daniel Arnaudet, 1993
Cuvette en sardoine, monture en or. Le bassin en sardoine est un travail byzantin du Xe ou XIe siècle. La monture en or date du XVIe siècle. © RMN / Daniel Arnaudet, 1993
  • Sous la direction de Nicolas Milovanovic et Alexandra Maral, Louis XIV, l’homme et le roi, Skira Flammarion, Paris, 2009
  • DILLEMANN Georges. La pharmacopée au Moyen Âge. II. Les médicaments. In: Revue d’histoire de la pharmacie, 57ᵉ année, n°200, 1969. pp. 235-244.
  • HOSSARD Jean. Les vieux remèdes minéraux. Métaux, pierres précieuses et terres médicinales : Robert Francheville, in Æsculape, 1929. In: Revue d’histoire de la pharmacie, 18ᵉ année, n°67, 1930. pp. 26-27.
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  • MARBODE, Liber Lapidum, numérisée par Marc Szwajcer, disponible ici : http://remacle.org/bloodwolf/eglise/marbode/lapidaire.htm
  • RIDDLE, John M. LITHOTHERAPY in the Middle Ages…: Lapidaries Considered as Medical Texts. Pharmacy in History, vol. 12, no. 2, 1970, pp. 39–50.
  • SAULE Béatrix, « Insignes du pouvoir et usages de cour à Versailles sous Louis XIV », Bulletin du Centre de recherche du château de Versailles [En ligne], | 2005, mis en ligne le 18 juillet 2007